Juridique, Fondé en titre, droit et règlement d'eau, autorisation

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Arago
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Re: Recherche historique droits d'eau

Message par Arago »

CF21 a écrit :Ce type d'information se trouve normalement dans la série S (Travaux publics et transports depuis 1800), les sous-sections pouvant être variable (Ponts et chaussées / Service hydraulique / Mines et énergie / Energie électrique) selon les AD. Parfois mais rarement des choses dans la série M (Administration, sous-section Eaux) ou dans les archives classées par communes.
Voir aussi les séries : EDT, J, Op et surtout W.

Séries W : Archives "modernes" d'après guerre. Très vaste (routes, usines, social, ONF,...) mais très riche. Rechercher dans Services hydrauliques, Police des eaux, Travaux, DDT, défense passive (1932-1940 protection des usines secret) ... et même dans les avis du service du patrimoine historique (qui donne des avis -ou plutôt une lettre type de refus- sur les projets hydro). Souvent on trouve des doubles de dossiers plus ou moins complets dedans. Pour une usine de 1945 ce sera plutôt dans la série W que S.

Rechercher aussi de vieilles photos (archives départementales, voisins, sur internet ->Delcampe.fr, MH...).
Toujours élargir la recherche au maximum.
ericnoharet a écrit :J'ai les plans d'exécution de l'époque mais pas d'autres documents.
C'est déjà bien.

Bonne chance !
CF21
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Re: Recherche historique droits d'eau

Message par CF21 »

@ Arago : merci de ces précisions très utiles. Je n'ai cherché que des règlements d'eau d'avant 1919 ou des droits d'eau plus anciens, pas l'habitude des séries modernes !
ericnoharet
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Re: Recherche historique droits d'eau

Message par ericnoharet »

Bonsoir,

Merci de vos précieux conseils, je pense que je vais passer un lundi aux archives !
(heureusement mes parents on l'habitude de ce lieu et je devrais gagner du temps.

J'ai aussi un espoir avec le cadastre qui a re aligné le bord de la parcelle avec le bord du canal, je vais voir si je peux avoir un document utile chez eux.

Eric
CF21
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Jurisprudence hydro (tribunaux et cours)

Message par CF21 »

Bonjour

On m'a transmis cet arrêté récent du Conseil d'Etat.

http://legifrance.gouv.fr/affichJuriAdm ... astPos=190

J'en profite pour ouvrir ce fil "Jurisprudence" où il serait utile de verser désormais systématiquement tout ce qui concerne les décisions de justice : tribunal administratif (ou dans certains cas tribunal de grande instance), cour d'appel, Cour de cassation ou Conseil d'Etat. Attention à ne pas y verser les simples échanges avec l'administration, ni les arrêtés préfectoraux ni les textes de loi (la jurisprudence se définit comme l'ensemble des décisions des tribunaux et cours chargés d'interpréter le droit ou la loi, donc c'est un domaine à part entière qu'il ne fait pas confondre avec le droit positif et les textes administratifs).

Dans le cas examiné, la Fédé de pêche des Vosges avait porté plainte contre un usinier (Société hydroélectrique du Pont du Gouffre) car celui-ci a augmenté la puissance de l'installation fondée en titre, passant de 82 à 207 kW et en reprofilant le canal d'amenée.

Le Conseil d'Etat a notamment relevé :
Considérant que la cour a relevé que les travaux de réhabilitation de la centrale hydroélectrique du Pont du Gouffre, consistant notamment en l'élargissement du canal d'amenée, le remplacement d'une grande portion de ce canal par une conduite forcée et la construction d'un nouveau bâtiment en aval du bâtiment existant, s'ils ne rehaussaient pas la crête du barrage, aboutissaient à accroître le débit d'eau prélevé et à presque tripler la puissance nominale de l'installation ; qu'elle en a déduit que ces travaux, eu égard à leur importance, devaient être regardés comme entraînant la création d'une entreprise nouvelle au sens des dispositions de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 ; qu'en se fondant, d'une part, sur le critère de l'augmentation de la puissance pour apprécier si les modifications de l'installation étaient conformes à l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 et en retenant, d'autre part, la qualification d'entreprise nouvelle sans rechercher si les travaux dont elle relevait l'importance étaient, par leur nature ou leurs effets, susceptibles de créer un obstacle nouveau ou de modifier l'écoulement du ruisseau du Ventron dans des conditions portant atteinte à la continuité écologique, la cour a entaché son arrêt d'une double erreur de droit ; que par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la Société hydroélectrique du Pont du Gouffre est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
En clair, le plaignant (Fédé de pêche) n'a pas été capable de montrer que le changement de puissance et les travaux créaient un trouble à la continuité écologique ou changeaient substantiellement le bien de sorte qu'une autorisation nouvelle devrait être produite.

Le Conseil d'Etat confirme de notre point de vue une jurisprudence de bon sens, qui évite les interprétations maximalistes que certains voudraient donner d'une réglementation déjà terriblement touffue et complexe. Ces erreurs de droit ayant été relevées, l'affaire a été renvoyée à CA de Nancy.
CF21
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Re: Jurisprudence hydro (tribunaux et cours)

Message par CF21 »

Un peu plus ancien (13 décembre 2013), voici un autre arrêté du Conseil d'Etat, cette fois défavorable au moulin plaignant.

N° 356321
Énergie verte de Teyssode

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJur ... &fastPos=1

Il s'agit d'un cas assez classique de contestation d'un règlement d'eau antérieur à 1919 et de moins de 150 kW.

Le CE reconnaît d'abord que dans ce cas de figure, le RE équivaut à un "droit immobilier" attaché aux ouvrages eux-mêmes. Cela confirme que pour la jurisprudence administrative, les droits d'eau fondés en titre (existence historique avant 1789) et les droits d'eau fondés sur titre (règlement d'eau après 1789 et avant 1919) sont très proches, c'est l'existence des ouvrages qui crée et fait perdurer le droit attaché.
Considérant qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique, aujourd'hui codifiées à l'article L. 511-9 du code de l'énergie, les installations hydrauliques autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts demeurent ...; que les autorisations délivrées avant le 18 octobre 1919 réglementaient des droits à l'usage de l'eau qui avaient la nature de droits réels immobiliers antérieurement acquis par les propriétaires des installations hydrauliques et distincts des droits fondés en titre ; qu'il en résulte que le droit d'usage de l'eau est, pour les installations autorisées au titre du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919, attaché à l'installation elle-même ; qu'un tel droit se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau, alors même que l'autorisation qui en réglemente l'usage n'aurait pas été abrogée ou retirée, comme le permettent les dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919
Mais en l'espère, le CE considère que la Cour d'appel a justement qualifié l'état de ruine des ouvrages hydrauliques empêchant leur usage
Considérant qu'en jugeant de manière suffisamment motivée que le droit d'usage de l'eau attaché à une installation hydraulique pour laquelle son propriétaire est titulaire d'une autorisation d'exploitation conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919, s'est perdu du fait de l'état de ruine des ouvrages essentiels destinés à exploiter la force hydraulique de la rivière, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'en jugeant, après avoir relevé dans sa décision que le barrage du moulin de Saint-Hugon a été entièrement détruit par les crues de 1930 et qu'il n'a fait depuis l'objet d'aucune reconstruction, que les ouvrages essentiels destinés à exploiter la force hydraulique de la rivière se trouvent dans un état de ruine de nature à faire perdre au moulin le droit d'usage qui lui était attaché par l'arrêté précité de 1859, la cour n'a pas donné aux faits énoncés une qualification juridique erronée ;
Ce point de "l'état de ruine" et de la capacité à "exploiter la force hydraulique de la rivière" est vraiment important. Nous avons perdu en première instance sur le Moulin du Boeuf (TA de Dijon, décembre 2014) largement à cause de cet élément (mais de manière totalement indue à notre sens).

Conseils aux propriétaires :

- évidemment, avant tout contact DDT-ONEMA et a fortiori avant tout contentieux, restaurer dans la limite de ce qui est autorisé par le Code de l'environnement tous les éléments hydrauliques du moulin (seuil, bief, déversoir, vanne, chambre d'eau) ;

- si vous êtes en situation de contestation de votre droit d'eau ou règlement d'eau, il y a une phase amiable, pré-contentieuse. Là il faut mettre le paquet sur la capacité à user de la force hydraulique, qui est déterminante. N'hésitez pas à demander à un BE spécialisé de venir constater que l'énergie cinétique et/ou l'énergie potentielle peut être exploitée sur le site en l'état (si c'est le cas évidemment, pas la peine d'essayer de défendre un bien s'il n'y a même plus d'eau!)

- c'est un certain investissement, mais la démonstration physique que l'on peut utiliser l'énergie de l'eau est ce qui pourra vous faire gagner en première instance, en appel ou au CE. Dans le meilleur des cas, vous éviterez même le contentieux, si la DDT reçoit un rapport d'ingé constatant la possibilité d'exploiter la force de l'eau + une lettre d'avocat rappelant la jurisprudence, les services juridiques de la Pref laisseront éventuellement couler (il y a beaucoup de précontentieux sur l'eau, au-delà des moulins, pas des moyens humains infinis pour les gérer).
Ticapix

Re: Jurisprudence hydro (tribunaux et cours)

Message par Ticapix »

Bonsoir,

Tout fait d'accord avec toi CF, et pour dédramatiser un peu la portée de l'arrêt Teyssode, il faut savoir que le site en question dans cette affaire n'existe que sur les anciennes cartes. Il est même difficile pour un connaisseur d'imaginer qu'un jour un moulin a existé sur le site.

L'acheteur de ce site l'a fait uniquement pour tenter de récupérer la hauteur de chute de l'ancien seuil qu'il comptait rajouter à sa centrale juste en aval. Malheureusement cela nuisait aux intérêts du turbinier amont et c'est ce dernier qui a initié la procédure devant les tribunaux après que la DDT ait dans un premier temps accordé le fondé en titre.

Cdt

TG
fdelam

Re: présentation, règlement d'eau et changement de propriétaire

Message par fdelam »

bonsoir à tous

retour suite à de nouvelles infos de la DDT :

j'ai constitué et envoyé à la DDT un dossier présentant les éléments qui à mon sens prouvaient le DFT, présentait quelques extraits du règlement d'eau de 1885 et une tentative de calcul de PMB.
pour cette dernière, je m’appuyais sur les éléments suivants :
selon la taille de la vanne ouvrière située en amont de la chambre d'eau (1.7m*0.8m) et une vitesse d'écoulement communément admise de 1m/s j'en déduis un Qmax=1.36m3/s.
considérant le plan d'implantation d'une turbine d'appoint de 1933 sur lequel figurait une hauteur de chute en fonctionnement de 3.65m et une hauteur à l'arrêt de 3.8m (posté dans un message précédent), je déduis Hmax=3.8m.
le génie civil du moulin n'ayant pas évolué depuis sa construction au 18eme(entrée de la chambre d'eau en pierre de taille, donc antérieure au 20eme, restitution d'origine). j'ai appuyé mon raisonnement par des photos de 1905 qui montrent que le génie civil n'a pas changé depuis au moins cette date.
j'obtiens donc 50.7kW

j'ai donc demandé la reconnaissance du droit d'eau selon le règlement de 1885 (qui ne précisait pas ni le débit dérivable ni la hauteur de chute) et la PMB que j'ai estimée.

la réponse de la DDT est la suivante :

je passe sur le DFT, les informations fournies ne sont pas probantes pour mon interlocuteur.

l'enquête sur les moulins du département de ... réalisée en 1917 et 1918 précise que la force motrice de ce dernier est de 15 hp soit 11,19 kw.
Par ailleurs, il ressort d'un plan de 1933 relatif à un projet d'installation d'une turbine d'appoint ) que la hauteur de chute nette est de 3,65 m.
En conséquence, en appliquant la formule relative à la puissance maximale disponible (puissance installée) = hauteur nette x débit maximum dérivé x 8, on aboutie à un débit maximum dérivé avant 1919 de 0,383 m3/s.
Rq : il est à noter que la comparaison des données issues de l'état statistique des irrigations et des usines sur les cours d'eau non navigables, ni flottables du 14/10/1879 (document habituellement utilisé pour notamment déterminer le volume maximum dérivé avant 1919) aux données issues de l'enquête sur les moulins du département de ... de 1917 - 1918 pour les moulins portés dans les 2 documents, fait apparaitre une assez bonne correspondance entre le volume des eaux motrices portées dans l'état statistique et le volume calculée (en appliquant la formule ci-dessus) à partir des données sur la force motrice portées dans l'enquête sur les moulins.
Enfin, pour pouvoir disposer de la puissance légale de l'installation (puissance maximale brute = hauteur maximum x débit maximum dérivé x 9,81), il serait nécessaire de disposer de la hauteur maximale de chute comptée entre la cote normale de fonctionnement de la prise d'eau et celle de la restitution à la rivière.


comment interpréter cette histoire ?
mon correspondant peut il honnêtement se servir d'une déclaration de puissance installée qui date d'avant l'installation des turbines pour l'assimiler à une PMB et calculer grâce à çà un débit maximum dérivable ?

le bief alimentant une autre usine hydraulique un peu en amont, le moulin tire sa puissance non pas à partir de la cote de la prise d'eau, mais de la cote de la crête du déversoir du plan d'eau qui alimente directement le moulin.(voir précédemment dans ce fil de discussion)
si j'applique ce qu'il me dit, je me retrouve avec une PMB dont la base est un débit maximum dérivable de 0.383m3/s et une hauteur de chute entre la prise d'eau et la restitution d'environ 8-9m. :shock:

Dans la suite du courrier :

L'étude réalisée par le CEREMA (Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement) précise que le barrage de la ... est difficilement franchissable pour l'anguille et la truite fario. Les solutions de rétablissement de la continuité écologique au niveau de ce barrage sont:
- l'arasement total ou l'arasement partiel si les propriétaires ne souhaitent plus dériver d'eau,
- l'aménagement d'une passe à basins (6 bassins et 7 chutes) si les propriétaires souhaitent continuer à dériver de l'eau.


quelqu'un a t'il déjà eu affaire à ce centre d'étude dans le cadre de préconisations?
les préconisations peuvent elles être contestées ou faut il s'y plier ?
j'ai une étude de la fédé de pêche qui en 2007 estimait un gain nul en population de truites avec l'équipement de ce seuil d'une passe à poisson.
une autre de 2012 qui montre une surpopulation de lamproies de planer en amont de ce seuil.
6 bassin 7 chutes pour 1.5m à tout casser, pourquoi pas un ascenseur ou un escalator ? :roll:
ericnoharet
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Re: présentation, règlement d'eau et changement de propriétaire

Message par ericnoharet »

Bonsoir,

Il va falloir poser des questions à la DDT !

La puissance de 15HP, c'est avec quel type de roue hydraulique ? quel rendement ?

car la puissance installée administrativement (et techniquement) et la PMB, c'est deux choses différentes.
On sait très bien qu'avec un rouet de l'époque, on utilisait souvent que la moitié de la hauteur de chute car on positionnais le rouet hors crue.
De plus le rendement de l'ordre de 30% était bien inferieur à ce que l'on fait maintenant avec une turbine.
D'où des écarts dans un facteur 4 à 5 bien souvent.

Avec ces chiffres, on s'approche plus de votre calcul que de celui de la DDT.

Pour la passe à poisson, vos arguments semblent imparables
(on sait bien que les anguilles passe par les prés (voir les routes)pour remonter. Et que pour la truite, elle profite des effacements lors des crues, mais c'est dur de le faire admettre)

Eric
Ticapix

Re: présentation, règlement d'eau et changement de propriétaire

Message par Ticapix »

Bonsoir,

Il faut garder en tête l'arrêt Ulrich du CE du 28 juillet 1866 qui stipule en gros que : que le fait grâce aux progrès de la technique de mieux utiliser la force hydraulique, ne constitue pas une augmentation de puissance.
Donc il faut non pas prendre la puissance exploitée à l'époque mais le débit utilisé.

La différence comme le dit Eric peut aller du simple au quadruple voire plus entre un rouet et une turbine moderne par exemple.

Cdt

TG
CF21
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Re: présentation, règlement d'eau et changement de propriétaire

Message par CF21 »

Mon pauvre fdelam, il se confirme que votre DDT aime compliquer les choses à dessein !

Ticapix a raison et voici ce que dit l'arrêt en question, cet extrait venant du Guide des droits d'eau édité... pour la DDT
CE, 26 juillet 1866, Ulrich
Thème: travaux ne modifiant pas la consistance légale.

Selon cet arrêt, « aucune disposition législative ou règlementaire n'oblige les usiniers à se pourvoir d'une autorisation pour modifier les ouvrages régulateurs d'une retenue tant que rien n'a été changé au régime des eaux et que, sans accroître la force motrice dont ils peuvent disposer, les usiniers ne font que mieux l'utiliser au moyen d'additions et de perfectionnements apportés aux vannes motrices, aux coursiers et aux roues hydrauliques ».

Le Conseil d'Etat décide de s'en tenir seulement à deux éléments : la consistance du canal d'amenée et la hauteur de la chute, sans prendre en compte les améliorations de l'outillage ce qui devait le moment venu faciliter la reconversion d'anciens moulins fondés en titre en établissement industriels puis en usines hydroélectriques.
Source (page 21) :
Guide_police_des_droits_fondes_en_titre.pdf
Revenir aux 15 CV estimés dans l'enquête de 1917-1918 n'a guère de sens, non plus que les autres éléments de ce genre comme la Taxe de statistique de 1921. Outre que les moulins sous-estimaient couramment leur usage pour payer moins d'impôts (après la loi de 1919), la puissance mentionnée en force motrice est généralement la puissance des équipements hydrauliques (et non du débit d'eau dérivé sur une chute) : or, aucune loi n'oblige les moulins français à se conformer à l'état des technologies voici un siècle.

A toutes fins utiles, il serait intéressant de trouver un exemplaire de cette enquête, ne serait-ce que par curiosité, aussi pour vérifier dans la méthodologie à quoi correspondent les CV mesurés à l'époque.

Votre interlocuteur connaît ce Guide, il applique me semble-t-il les règles fixées en page 14 :
Qu'est ce que la consistance légale?
LLa consistance légale est la quantité d'eau ou de force motrice (implicitement la puissance de l'ouvrage) définie pour chaque ouvrage par l'acte duquel l'exploitant tient ses droits, ou résultant, à défaut de titre, des faits de possession sur lesquels est fondée la légalité de son existence. La modification de la consistance légale entraine l'obligation pour l'exploitant de demander une autorisation ou une concession pour l'utilisation de l'énergie hydraulique (loi 1919) pour le surplus de puissance.

– C'est à l'administration que revient la charge de la preuve de la modification, sinon la consistance légale établie à partir des ouvrages existants aujourd’hui est présumée identique à la consistance d'origine. Soit l'administration peut produire les titres authentiques en vertu desquels la prise d'eau a été créée, soit elle doit rechercher toute preuve de la modification de la consistance légale (par tout moyen, dont la déduction): en cherchant à quoi servait le moulin à l'origine, on peut déduire une approximation de la consistance, ou en procédant par analogie avec des ouvrages identiques sur le même cours d'eau ou en utilisant des inventaires administratifs de prises d'eau comportant des indications sur cette consistance.

Pour déterminer la consistance légale, on opère une distinction entre des travaux effectués en vue d'une meilleure utilisation du débit et une véritable modification de la consistance légale. Les critères retenus pour opérer cette distinction sont la modification de la hauteur de chute et du volume du débit dérivé (5).

5 En effet, la puissance maximale brute (PMB) est directement proportionnelle à la hauteur de chute et au débit dérivé. Elle se calcule par la formule suivante: PMB (en KW) = Qmax X Hmax X 9,81 (où Qmax est le débit maximum dérivé(en m3/s) et Hmax la hauteur maximale de chute de l’installation (en mètres), comptée entre la côte normale de la prise d'eau et celle de la restitution).
Donc, votre interlocuteur n'entend pas calculer la puissance maximale brute d'après l'hydrologie et le génie civil actuels, il essaie de démontrer que la puissance d'origine était plus faible, donc que la puissance actuelle relève d'une modification. C'est le premier passage en gras et c'est ainsi que j'interprète le courrier.

Outre l'arrêt Ulrich, vous pouvez lui opposer le 2e passage en gras de son propre Guide : depuis l'arrêté d'autorisation ou depuis l'enquête de 1917-1918, il y a certainement eu des travaux pour une "meilleure utilisation du débit" dérivé, mais cela ne démontre en rien qu'il y a eu "véritable modification de la consistance légale".

Pour faire bonne mesure, vous pouvez ajouter le point suivant.

La Circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’Etat et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau (DEVO0930186C) stipule :
"La loi considère que l’administration est censée connaître, et suivre sans limite dans le temps les autorisations qu’elle délivre."
Donc :
- la DDT est supposée conserver un exemplaire intégral de l'autorisation (règlement d'eau) du XIXe siècle
- la DDT est supposée conserver un exemplaire de tout arrêté ultérieur autorisant un changement de la consistance légale d'origine liée à la première autorisation

Si elle ne peut produire ces pièces, elle doit admettre que le site en l'état est conforme à son génie civil d'origine et elle ne peut inférer une consistance légale d'une simple enquête sur des équipements anciens.

PS : sinon je ne connais pas le CEREMA, établissement public administratif qui pour le domaine hydraulique semble avoir intégré l'ancien CETMEF. L'enquête citée par votre DDT est publique (c'est un EPA, donc document accessible à tout citoyen), pouvez-vous la trouver et en publier le lien ? Cela m'intéresse de lire leurs travaux, c'est la première fois que je vois ce sigle accolé à une analyse de continuité écologique. Vu comment votre interlocuteur ne conserve que ce qu'il a envie de conserver dans ses lectures, une analyse intégrale de ce document sera utile.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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