Bonsoir
En réfléchissant au problème posé par Caroussel, et aux évolutions récentes de la loi, il me semble qu'un des critères de choix quand on cherche un bien est devenu son aménagement écologique. C'est hélas dommage que les propriétés strictement hydrauliques ne soient plus les seuls critères, mais c'est ainsi : vu l'hystérie ambiante et vu le coût en génie civil que peuvent représenter les aménagements écologiques, il faut avoir cette contrainte en tête quand on achète.
Il y a d'abord le
classement des rivières, que l'on peut consulter sur les sites DREAL, DIREN, Onema ou Agence de l'eau.
Non classé : c'est le mieux (mais vérifier à deux fois !), l'absence de classement implique l'absence d'obligation, sauf disposition particulière du Préfet
Liste 2 : vous avez 5 ans pour faire les aménagements écologiques et la rivière n'étant pas en très bon état écologique, la marge de manoeuvre est plus importante.
Liste 1 : vous ne pouvez strictement rien changer aux équipements en place, vous devez faire les travaux (d'aménagement écologique) dès la publication (imminente) du classement. La rivière étant supposée en très bon état écologique, l'administration a toutes chances d'être très pointilleuse.
Outre le classement lui-même, il faut jeter un oeil aux
espèces concernées. Les anguilles, c'est le plus simple en franchissement (pente jusqu'à 30-40%, moins de génie civil). Les Salmonidés ont une bonne puissance de nage donc offrent plus de choix en passes. Les Cyprinidés sont les plus compliqués, ils ne savent pas sauter et n'ont guère de puissance, donc la passe sera la plus contraignante (faible pente, beaucoup de bassins intermédiaires à ralentisseurs, etc.). Si vous voyez dans le classement des rivières tout un tas d'espèces différentes au droit de votre ouvrage, vous aurez donc l'aménagement le plus complexe à prévoir.
N'oubliez pas que le classement des rivières n'est pas la seule norme environnementale : il y a
les sites Natura2000, les ZNIEFF, les corridors biologiques, les zones humides à protection spécifique, etc. Donc là encore, il faut impérativement vérifier que le moulin n'est pas au milieu d'un "musée vivant" où à peu près tout est interdit sauf les feux de camp de France Nature Environnement. La mairie, la préfecture (Police de l'eau) ou la DREAL sont à consulter.
Si vous avez le coût d'une passe à poisson à prévoir dans votre budget (liste 1 ou 2), la
faisabilité de l'aménagement va jouer un rôle. Plus la hauteur de chute est importante, plus la passe sera coûteuse et le rapport n'est pas linéaire (une passe pour un barrage de 4 mètres ne vaut pas simplement 4 fois plus cher qu'une passe pour un seuil de 1 mètre : le prix du mètre augmente avec la hauteur). Donc gare au beau petit barrage qui va impliquer pas mal de frais... Surtout que la passe, si elle n'est pas une "passe rustique" en dérivation latérale, demande de travailler au sec donc de dériver le lit au droit des travaux.
Pour la passe, n'espérez pas a priori qu'on vous fichera la paix pour couler approximativement quelques mètres cubes de béton. Vous êtes là sur les terres de l'Onema, qui fait de savantes études en mécanique des fluides pour calculer au millimètre près les caractéristiques techniques des passes (non, ce n'est pas une blague, Larinier a bossé 30 ans à l'Institut Méca Flux de Toulouse et ses successeurs prennent le même chemin). Sauf exception locale – un Onema et/ou un syndicat de rivière sympa et pragmatique –, vous aurez donc des
contraintes très précises à respecter si vous ne voulez pas que votre passe soit retoquée et à refaire.
Enfin, il faut savoir que selon certains BE, l'autre aspect de la continuité écologique = le
transit sédimentaire est le thème en pleine ascension dans les milieux continuophiles. Donc outre les poissons, il faut prévoir de faire correctement circuler les sédiments organiques, les charges solides (sables, graviers et galets), avec des vannes de fond ou de chasse adaptées. Tant qu'à prévoir un budget hydraulique, ce point là n'est pas non plus absurde, car un bon équipement et une bonne pratique de vannage limitent de toute façon la nuisance d'envasement et engravement de son bief.
Ultime chose : si c'est un projet de résidence secondaire, mieux vaut prévoir d'avoir des bons voisins prêts à des arrangements ou alors d'automatiser avec contrôle-commande et surveillance à distance. Surtout si vous avez la malchance d'avoir un représentant de la Police de l'eau du genre pointilleux – on en connaît ici qui font le tour des moulins après les grosses pluies pour contrôler si le niveau légal n'est pas dépassé, avec une amende à la clé, même si c'est de quelques centimètres. Et bien sûr, le brave homme en question connaît parfaitement les moulins "résidences secondaires"...
Tout cela ne doit pas décourager les vocations : ce sont simplement les contraintes du moment à connaître. Si l'on joue le jeu, que l'on a un certain budget et que l'on ne tombe pas sur des intégristes bornés, on aura un moulin parfaitement aux normes et pas d'ennui particulier. De tout temps il y a eu des contraintes, et vu le nombre de procès que l'on trouve en archives autour des moulins, il ne faut pas croire que l'hydraulique était un long fleuve tranquille à l'époque médiévale, classique ou moderne
D'ailleurs, les premières lois sur les passes datent du XIXe siècle en France, et certaines coutumes provinciales enjoignaient même avant de faire passer les poissons.
Bonne soirée.