Bonjour,
la régulation des turbines Kaplan se faisait à l’origine par une commande mécanique liant la position du distributeur et celle du réglage d’incidence de pales, par exemple une came tournant avec le distributeur déplace un galet réglant l'incidence des pales.
Elle se fait actuellement le plus souvent par un automate programmable, avec un capteur de course sur le vérin de distributeur, et un capteur de course sur le vérin d’incidence de pales. Le programmeur asservi la position des pales à celle du distributeur, à l’aide d’une table ou d’un algorithme :
- soit d’après les relevés de puissance lors des essais, pour toute une série de combinaisons d’angles d’ouverture et d’incidence.
- soit directement d’après les courbes topographiques de la turbine (collines de fonctionnement) obtenues en CAO ou CFD.
J’utilise déjà depuis quelques années la régulation MPPT (voulant dire Maximum Power Point Tracking ou recherche permanente du point de fonctionnement à puissance maximale) sur des petites turbines simples, du type hélice ou Pelton, avec une production indépendante du secteur.
La régulation MPPT commande alors simplement un gradateur, qui gère la puissance injectée sur la charge (le plus souvent une résistance de chauffage), de sorte que la puissance injectée soit maximale, ce qui correspond indirectement à la vitesse optimale de la turbine.
Récemment, j’ai essayé de passer à plus sérieux, avec la régulation MPPT d’une turbine Kaplan double réglage de 75 kW !
La régulation se fait ici « simplement » par :
- la mesure de l’intensité du courant injecté par la génératrice
- la mesure de la hauteur d’eau à la prise d’eau
- des actions sur le vérin du distributeur de la turbine
- et des actions sur le vérin de commande d’incidence des pales de la roue
=> Il n’y a pas de capteurs de position, ni sur le vérin du distributeur, ni sur celui d’incidence de pales !
On part du principe qu'un humain, qui disposerait simplement de deux manettes (le réglage d'ouverture du distributeur et le réglage d'incidence des pales), et qui surveillerait juste deux paramètres (l'intensité du courant produit et le niveau d'eau de la retenue), trouverait à tout instant le point de fonctionnement optimal (à savoir ici la plus grande puissance produite). Il suffit de décortiquer son raisonnement, et de le reproduire dans un petit automate programmable.
=> La sécurité de la turbine est indépendante de cette régulation, et se fait par une boucle logicielle séparée simple, qui contrôle :
- la température des paliers
- la température des bobinages
- la pression du groupe hydraulique
- la vitesse de la turbine.
=> De même le démarrage, la synchronisation, et l’arrêt de la turbine sont indépendants de cette régulation, et sont gérés par un algorithme séparé qui surveille la vitesse et contrôle le distributeur et le contacteur, de façon à minimiser l’intensité qui traverse le contacteur à l’enclenchement, et la surtension à la coupure (par prudence, le contacteur a quand même été calculé en catégorie AC3).
Les paramètres de régulation MPPT sont :
PDBM1 : demi bande morte pour le réglage du distributeur
PDBM2 : demi bande morte pour le réglage des pales
PIMAX : limite de courant, pour rodage turbine et protection génératrice
PNIVO : consigne de niveau d’eau
TEMP1 : temporisation pour stabilisation après un changement
Les variables de régulation sont :
BM1 : bande morte dans laquelle il est inutile d’agir sur le distributeur
BM2 : bande morte dans laquelle il est inutile d’agir sur l’incidence des pales
CHANGE : drapeau indiquant si la puissance a changé ou non après une action
COMPT : compteur de boucles d’action sur les pales
OUFE : drapeau basculant en mode ouverture ou fermeture des pales
VCOUR : consigne de courant calculée, voir plus bas
Les mesures sont les suivantes :
MNIVO : mesure de niveau d’eau
MCOU1 : mesure de courant à un instant
MCOU2 : mesure de courant à un autre instant
Calcul de variables intermédiaires :
VCOUR = PIMAX * [(MNIVO + PDBM3 – PNIVO) / PDBM3]
VCOUR est ensuite borné à [0, PIMAX]
BM1 = [VCOUR – DBM1, VCOUR + DBM1]
BM2 = [MCOU1 – DBM2, MCOU1 + DBM2]
Exemples de valeurs pour une puissance de 75 kW
Limiteur de débit du vérin de distributeur (limite les coups de bélier dans la conduite) :
- temps d’ouverture : 20 s
- temps de fermeture : 20 s
Limiteur de débit du vérin d’incidence de pales :
- temps d’ouverture : 20 s
- temps de fermeture : 20 s
Réglage des impulsions du distributeur à 5 % du temps total, soit :
- impulsion d’ouverture : 1 s
- impulsion de fermeture : 1 s
Réglage des impulsions du vérin d’incidence à 5 % du temps total, soit :
- impulsion d’ouverture : 1 s
- impulsion de fermeture : 1 s
PDBM1 : 10 A
PDBM2 : 5 A
PDBM3 : 2 cm
PIMAX : 100 A (rodage)
PNIVO : 60 cm
TEMP1 : 30 secondes
Régulation du distributeur
MPPT 4.jpg
Régulation des pales
MPPT 5.jpg
Exemple de programme :
MPPT 6.jpg
- ça tient sur un petit automate Crouzet (bien rempli quand même)
- image « floutée » exprès, je vous laisse quand même travailler un peu si vous voulez réaliser un programme utilisant un algorithme MPPT !
Tous premiers essais de fonctionnement, avec l'enregistrement de la production électrique de la génératrice
Premiers essais.JPG
On voit que :
- la régulation se cherche un peu (les différentes variables ne sont en effet pas ajustées)
- mais globalement la régulation va progressivement vers le maxi de puissance
- avec ensuite bridage à la valeur de rodage
- le relevé est perturbé par plusieurs essais simultanés sur la boucle de sécurité
Remarques :
- le réglage des différents paramètres est primordial
- avec un même algorithme, la régulation peut être stable ou instable, selon la valeur des paramètres
- les algorithmes publiés ici sont ceux de la version préliminaire
- ils ne comprennent pas les dernières modifications réalisées pour optimiser le tout
- notamment calmer la régulation pour solliciter moins le groupe hydraulique.
L’avantage du système MPPT, outre sa simplicité matérielle (absence de capteurs), est que la turbine s’adapte automatiquement aux conditions environnantes, essentiellement :
- les variations du débit d’eau disponible
- la présence de feuilles ou sac plastique ou autre sur les pales
La MPPT (recherche constante de la puissance maximale) est un bon exercice de réflexion, et suffit pour obtenir le maximum de kW de votre turbine !
L'étape suivante est la MEPT (Maximum Efficiency Point Tracking, ou recherche constante du point d'efficacité maximale), c'est à dire comment produire le plus possible de kW, tout en consommant le moins possible d'eau ! C'est juste une légère variation des algorithmes utilisés, et ce n'est pas forcément ce que veut le producteur, car le point d'efficacité maximale n'est pas le point de puissance maximale, qui lui est intéressant financièrement !
A suivre, et bonnes fêtes à tous
dB-)