Bonjour,
l'équipement d'écluses pour produire de l'électricité existe déjà depuis longtemps, et les questions à se poser sont semblables à celles de toute installation hydroélectrique : quelle est la hauteur de chute, quel est le débit d'équipement, variation du débit sur l'année, coté administratif (...), gestion des embâcles, montant de l'investissement, coût de la maintenance annuelle, revenus espérés, amortissement, durée de vie espérée, entretien quotidien, etc ...
Au niveau technique, les turbines de basse chute classiques (hélice, semi Kaplan (dont la VLH), full Kaplan, Francis, etc...) sont performantes, éprouvées, et améliorées depuis des dizaines d'années.
Naturellement, on voit chaque année émerger de nouvelles techniques "fantastiques", présentées par des sociétés probablement sincères, et c'est toujours la même démarche : un très beau site Web, de l'image de synthèse à foison, un site pilote, des articles de presse, etc etc ... J'ai ainsi vu apparaître des roues à aubes, des turbines vortex, des hydroliennes, etc ...
Après, les années passent ... et qu'est-ce qu'il en reste ? J'ai examiné il y a quelques mois une grosse roue à aubes, présentée à ses débuts dans la presse comme étant révolutionnaire ... après 2 ou 3 ans de fonctionnement irrégulier (et en produisant moins que les promesses), elle était en panne, à l'arrêt, renforcée de partout (je ne sais pas combien de dizaines de kilos de baguettes de soudure à l'arc y sont passées !
) : arbre d'origine beaucoup trop fin, naturellement tordu puis cassé, ensuite renforcé avec des cornières, les aubes idem, avec des tôles, des croisillons et des tendeurs, armoire électrique en panne, fonctionnement automatique devenu manuel, etc etc...
Quand on regarde la
vidéo publicitaire des turbines "Turbul***" (déjà évoquées
ici et
là, elle est remplie de contradictions ou d'excès :
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Les rivières fournissent 85% des énergies renouvelables ... mais la technologie actuelle nécessite de grands et coûteux barrages ... et des réseaux électriques encore plus coûteux pour distribuer cette énergie ... et bien que ces barrages soient construits pour aider les populations, ils leur causent souvent plus de dégâts"
C'est possible, mais l'auteur pense-t-il sérieusement qu'il est intéressant de remplacer les grands barrages de centaines de MW par des ribambelles de micro-centrales au fil de l'eau ? Est-ce que dire cela n'est pas prendre pour des imbéciles tous ceux qui, pendant plus d'un siècle, ont calculé et réalisé ces superbes centrales hydro-électriques ?
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Turbul*** a développé une micro-centrale inspirée par la nature ... qui peut être installée sur chaque petite chute de rivière ... il suffit d'un génie civil très simple"
Mais bien sûr ... Plus les petits dossiers administratifs qui vont bien, enquêtes publiques, le droit de propriété, la recherche d'un site avec une chute restée inexploitée (...), etc ...
Et quand on regarde plus en détail les captures d'écran de la vidéo :
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La prise d'eau se fait perpendiculairement à l'écoulement "naturel", en fait il y a un bief d'amenée (ou alors la rivière a été bétonnée), pas de protection contre les embâcles, un important coefficient de contraction dans la vanne de garde, avec environ 50 cm de chute perdue, et un écoulement très turbulent dans la turbine (qu'en pense le petit poisson en image de synthèse ?)
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Le générateur est immergé, avec tous les problèmes d'étanchéité et de maintenance que cela peut présenter, et qu'il faut bien appréhender
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Les pales de la roue, à incidence fixe (simple turbine hélice, sans distributeur réglable), sont très rapprochées, le risque de colmatage par des flottants est important, la régulation de débit ne peut se faire que par la vanne de garde (très mauvaise efficacité) et par variation de vitesse de la roue (efficace seulement dans une plage réduite de vitesse et débit)
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Utilisation d'un multiplicateur épicycloïdal compact, voir la maintenance périodique nécessaire sur les anciennes turbines Leroy Somer
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En plus du frottement de l'eau (rendement probablement faible), ces pales larges et fines vont subir beaucoup de contraintes, il y a un sérieux calcul de résistance mécanique à faire !
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Beaucoup de turbulences à la sortie, et surtout presque 1 m de chute perdue !
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Qu'apporte le vortex dans une turbine ? La puissance hydraulique potentielle d'un site (en Watt) sera toujours le produit de la chute (m) * le débit massique (kg/s) * l'accélération de la pesanteur (m/s²) ou plus simplement (en considérant que 1 litre d'eau a une masse de 1 kg) : P (kW) = H(m) * Q(m3/s) *9.81 (m/s²), qu'il y ait ou pas un vortex.
Il serait intéressant d'avoir un retour du prototype de 15 kW au Chili, avec un compte rendu de mesures établies par un laboratoire indépendant : hauteur de chute, débit dérivé, puissance électrique produite, et voir aussi ce que ça donne après 2 ou 3 ans de fonctionnement.
Je souhaite à cette
nouvelle société (que j'ajoute à la
liste d'adresses) et à sa sympathique équipe que ses produits fonctionnent bien, qu'ils soient efficaces et fiables, qu'elle arrive à dégager une marge pour sa survie, et surtout que ses clients soient satisfaits ! Mais je pense qu'il y aura quelques aménagements techniques à faire, une rivière réelle (naturelle ...), est plus capricieuse et destructrice qu'une rivière en images de synthèse.
Bonne journée
dB-)