CF21 a écrit :Un cas intéressant, au TA de Pau :
http://www.moulinaeau.org/IMG/pdf/tribu ... 2_2013.pdf
Cela concerne une passe motivée par le 432-6 et non le 214-17.
Mais le tribunal retient un élément important car relatif au droit administratif général (loi du 11 juillet 1979) : toute décision de l'administration imposant une sujétion doit être motivée. Or, le tribunal observe que la plaignante n'a jamais reçu d'expertise de l'ONEMA sur la présence de poissons au droit de son ouvrage, donc n'a pu faire d'observations sur la justification de la contrainte qui lui était imposée. Le tribunal en conclut que la plaignante est dans so droit, et la DDT-M dans son tort.
Je reviens sur ce point car on m'a adressé ce jour ce document DREAL Centre, à propos de la mise en oeuvre du 214-17 :
LB-2013L2_especes_holobiotiques.pdf
Il concerne le cas des espèces holobiotiques. Mais vous constaterez surtout que, dans les attendus généraux du document, la DREAL suggère que c'est au maître d'ouvrage de faire à ses frais l'étude d'impact de son bien et de proposer ensuite des mesures de continuité écologique (dont la PAP si le maître d'ouvrage ne veut pas effacer).
On est en train de consulter des conseils juridiques pour peaufiner ici un courrier au préfet, mais a priori cette orientation est
absurde et doit être refusée fermement par les maîtres d'ouvrage.
D'abord et sur le plan des principes généraux du droit, c'est à l'Etat d'édicter, motiver et justifier toute mesure de police, pas à la personne qui subit cette mesure (!).
Ensuite, l'Etat est censé disposer du fait de la DCE 2000 de toutes les informations sur chaque tronçon et chaque ouvrage. S'il n'en dispose pas, c'est son problème, ce n'est certainement pas à des propriétaires privés de faire le boulot. Les maîtres d'ouvrage peuvent embaucher un BE dans un second temps, s'ils ne sont pas d'accord avec les prescriptions de l'Etat parce que celles-ci sont jugées disproportionnées à l'enjeu écologique réel.
Cette position de l'Etat est de mon point de vue un aveu : ils n'ont pas du tout étudié chaque ouvrage, préférant des classements par tronçons entiers sans base solide. Et ils essaient maintenant de se défiler de leurs obligations de justification. Sachant qu'un BE spécialisé en diagnostic et préconisation de ce genre, cela coûte entre 5 et 15 k€ par ouvrage.
Donc si vous recevez un courrier préfectoral vous faisant injonction de faire des propositions sur votre ouvrage au titre du 214-17, parlez-en ici. Ci-dessous, un extrait encore provisoire de notre courrier aux autorités à ce sujet, qui peut vous aider à formuler votre propre défense au besoin.
Certaines DREAL semblent avoir estimé que c'est au propriétaire de proposer à l'Etat des aménagements sur son ouvrage, à partir d'un diagnostic de celui-ci et de ses impacts hydromorphologiques et hydrobologiques. Voir par exemple en région Centre, le courrier technique DREAL relatif à la mise en œuvre du 214-17 (20-04-2013).
Cette interprétation semble erronée et risque de semer au cours des prochains mois une importante confusion dans la gestion des rivières classées L2 ou L1-L2 : c'est à la puissance publique de préciser et de motiver ses mesures de police, et notamment les aménagements relevant du 214-17 C env.
D'une part, l'article 214-17 C env al 2 stipule :
2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant.
Il apparaît donc sans ambiguïté que c'est à l'autorité administrative de définir des règles de gestion, entretien et équipement des ouvrages.
D'autre part, le même texte de loi évoque la «concertation» et un jugement récent (TA Pau 19-02-2013, n°1200017) a permis de préciser les procédures nécessaires au respect de cette concertation. Le juge administratif a en effet rappelé que toute sujétion ou mesure de police au droit d'un ouvrage hydraulique implique la « motivation » de la décision administrative, dans le cadre d'une « procédure contradictoire » permettant le cas échéant de contester les motifs avancés par l'autorité.
Le droit positif comme la jurisprudence indiquent donc de manière convergente que c'est à l'autorité en charge de l'eau et aux services déconcentrés de l'Etat (DREAL, DDT, ONEMA) de produire et motiver sur chaque ouvrage une demande d'aménagement au regard du peuplement piscicole du tronçon et des impacts estimés de l'ouvrage concerné.
Ce travail de l'autorité en charge de l'eau ne devrait pas être particulièrement complexe puisque que dans le cadre du SIE et du SEQ mis en place pour le rapportage français de la DCE 2000, ainsi que le ROE géré par l'ONEMA, l'Etat est censé disposer de toutes les informations utiles sur chaque tronçon de rivière dans les compartiments biologiques, chimiques, physico-chimiques et morphologiques. Si certains tronçons ne disposent pas de ces informations, ce n'est pas à des propriétaires privés et à leurs prestataires de se substituer aux évaluations techniques et scientifiques relevant des fonctions de l'Etat.