Bonsoir,
d'habitude j'équipe ces petites turbines hélice sous bâche semi spirale (qu'on appelle aussi parfois "turbines tourbillon") d'une génératrice asynchrone VEM, fixée sur une lanterne et entraînée directement en bout d'arbre via un accouplement à plots élastiques.
Elle est alors raccordée au réseau triphasé via un simple contacteur et un disjoncteur moteur type GVxx, le réseau assure la régulation de vitesse et le courant produit vient diminuer la consommation du logement sur le réseau.
La vitesse de rotation est mesurée par un petit capteur inductif placé devant la vis de pression de l'accouplement élastique, et un mini automate n'enclenche le contacteur de ligne que si l'interrupteur M/A est sur marche, et que la vitesse est dans une certaine plage de validité (avec hystérésis, mini grafcet, etc ... pour éviter les enclenchements / déclenchements répétés et intempestifs).
En cas de coupure secteur, l'ensemble s'emballe (et n'injecte plus rien sur le secteur, comme cela a été dit maintes fois) mais ce n'est pas du tout gênant, et cela peut rester des heures ainsi sur ces petits matériels. Quand le secteur revient, l'automate ré-enclenche à la volée, ce qui ne présente là non plus aucun problème sur ces petits matériels. Donc une utilisation extrêmement simple et sans servitudes.
Si besoin, j'ajoute directement sur la génératrice un condensateur triphasé pour améliorer son facteur de puissance et consommer moins de réactif, en prenant bien soin de calculer ce condensateur en tenant compte de la vitesse d'emballement (et donc de la fréquence, qui va atteindre environ 100 Hz), de sorte à ne jamais partir en auto-excitation !
Tout cela fonctionne très bien tant qu'il y a le débit d'eau prévu, et jusque vers environ 65 % du débit nominal. En dessous de ce débit, le rendement d'une turbine hélice à vitesse constante chute rapidement, surtout dans la version sous bâche qui comporte un distributeur fixe et une régulation de débit par vanne Uvulla. La version ouverte, en chambre d'eau, comporte un distributeur à directrices mobiles, qui est un peu plus performant à charge partielle.
De plus, le rendement de la génératrice asynchrone diminue aussi, et surtout son facteur de puissance s'écroule : elle produit moins de puissance active, tout en consommant quasiment toujours la même puissance réactive ... On arrive assez rapidement à un moment où on consomme plusieurs ampères de réactif sur le secteur, tout en ne produisant rien ! Bien que ce ne soit pas comptabilisé sur la facture EDF, ça n'est pas "sérieux" ni productif ...
Ce type de réalisation reste tout à fait intéressant entre 65 et 100 % du débit, ce qui est la cas d'anciens moulins qui exploitaient à l'origine un débit d'eau conséquent, et qu'on équipe d'une petite turbine juste pour produire un peu de courant et alléger la facture EDF : dans ces cas là, la turbine tourne en permanence à 100 %, et l'excédent d'eau part dans une vanne de décharge ou en surverse sur le déversoir.
Le cas que j'ai présenté un peu plus haut est différent, le moulin étant situé sur un petit ruisseau dont le débit varie d'environ 25 à 250 l/s : il a été décidé de l'équiper d'une turbine prenant 150 l/s sous 4 m de chute nette, et donnant environ 4.5 kW à l'arbre à 1500 tr/min. Pour mieux exploiter les petits débits, je vais travailler en vitesse variable : en effet, la roue d'une turbine hélice présentant une section de passage et des angles constants (contrairement à la Kaplan), quand le débit diminue, la vitesse d'eau diminue, et si la roue tourne à vitesse constante les angles d'entrée/sortie de l'eau ne sont plus bons et le rendement s'écroule. En ralentissant la roue, on rétablit des angles corrects, et le rendement s'améliore.
Second point, j'utilise un petit alternateur à aimants permanents, qui ne consomme aucun courant pour son excitation, du coup, le rendement global augmente, surtout à charge partielle. Par contre, en vitesse variable avec un PMG, la tension et la fréquence produites sont aussi variables : faibles à bas débit, plus élevées à plein débit, et très élevées à l'emballement. Le triphasé produit par le PMG (quasi sinusoïdal, environ 3 * 400 V en 50 Hz à 1500 tr/min) est donc redressé à l'entrée d'un contrôleur de charge, et la tension du courant continu obtenu est limitée à une certaine valeur au moyen d'un régulateur qui enclenche plus ou moins (module) un ballast (lequel est ici une simple résistance de puissance refroidie par air). Si le courant produit par la turbine n'est pas utilisé par le réseau (cas d'une coupure EDF, l'onduleur pour injection, homologué, se met automatiquement en sécurité et en veille), alors le régulateur envoie toute la production électrique sur le ballast, ce qui évite un emballement de la turbine et une surtension en sortie du PMG.
L'onduleur pour injection réseau utilise ensuite le courant continu présent en sortie du régulateur, et le transforme en un courant monophasé quasi sinusoïdal 230 V 50 Hz. Il injecte sur le réseau plus ou moins de puissance, en fonction de la tension en entrée, qui peut varier de 40 Vdc à 600 Vdc. A noter que l'onduleur génère le courant sinusoïdal de sorte à présenter un facteur de puissance de 1 (point très intéressant des onduleurs, que je vais aussi utiliser sur une autre réalisation avec une turbine hélice travaillant en vitesse variable et entraînant en direct une génératrice asynchrone de 45 kW avec injection réseau via un variateur regénératif 4 quadrants : on peut régler très facilement le réactif, sans condensateurs, pour satisfaire aux exigences d'ERDF).
C'est un modèle MPPT (Maximum Power Point Tracking, ou recherche permanente du point de fonctionnement à puissance maximale), c'est à dire qu'à tout instant l'onduleur module sa consommation de courant, ce qui freine plus ou moins le PMG, et fait donc varier la vitesse de la turbine, de sorte à trouver le point de fonctionnement donnant la puissance maximale.
Enfin, le propriétaire a souhaité que l'installation soit parfaitement en règle avec la législation (responsabilité en cas de problème technique, assurance, ...), et j'ai donc utilisé un onduleur éolien, prévu pour l'injection réseau, et conforme à la norme VDE0126. L'installation est déclarée auprès d'ERDF, mais il n'y a pas de contrat de vente auprès d'EDF ou d'un autre acheteur. Il n'y a pas de compteur spécifique (injection ou non consommation), mais ERDF demande le certificat de conformité à la norme VDE0126 de l'onduleur réseau (normalement il faudrait parait-il un certificat rédigé en Français, mais dans le cas présent le certificat rédigé en anglais a suffit).
L'onduleur est conçu par son fabricant pour répondre aux multiples normes mondiales de raccordement sur le secteur (AS4777, VDE4105, VDE0126, UL-240V, UL-208V, MEX-CFE, G83/2, G59/3, EN 50438 DK, EN 50438 IE, EN 50438 NL, plus un mode "custom") : la mise en conformité avec telle ou telle norme se fait simplement en choisissant la norme correcte dans un menu sur l'interface de l'onduleur. L'installateur (ici moi) fournit à ERDF une attestation comme quoi le module est bien paramétré en VDE 0126.
Tant qu'à s'amuser, j'ai équipé cet onduleur d'une clé Wifi, connectée au réseau de la maison, qui permet à l'utilisateur de visualiser à tout instant les différents paramètres de fonctionnement, la production instantanée, le cumul de l'énergie produite, etc ... et me permet aussi de réaliser un enregistrement du fonctionnement sur plusieurs semaines, ce chantier étant assez éloigné (je pourrais aussi réaliser un suivi instantané via GSM ou GPRS mais la quantité d'informations est moindre, et le coût plus grand).
Cet ensemble est plus compliqué que la solution avec génératrice asynchrone, mais plus performant, et avec "juste" 5 éléments : une turbine extrêmement simple (bâche, roue à pales inox, 2 roulements et une garniture au carbure de silicium), un PMG en bout (pas de transmission, pas de bruit, pas d'entretien) et à l'air libre (pas de problème d'étanchéité), un régulateur de charge sur-dimensionné (j'ai pris un 10 kW) et un ballast refroidi par air sur-dimensionné lui aussi (il doit bien peser 40 kg ...), enfin un onduleur éolien, matériel de grande qualité et fabriqué à des dizaines de milliers d'exemplaires.
J'ai bon espoir qu'avec ce système flexible on arrive à produire encore quelques centaines de Watts à seulement 20 ou 30 % de débit d'eau ! Je ferai un petit "update" du sujet après quelques semaines d'essais.
PS : pour compléter cet ensemble, le client a souhaité que j'installe un second onduleur de type production autonome, qui ne travaillera que lors des coupures de courant : au lieu de perdre l'énergie de la turbine à chauffer un ballast, cet onduleur alimentera un circuit spécifique de la maison, non relié au réseau (via un inverseur de source) ...
PMG.jpg
Régulateur de charge.jpg
Ballast 5 kW.jpg
Onduleur.jpg
Cordialement
dB-)