Bonjour,
je suis d'accord avec MHEC, et je privilégie une approche sincère et légale des problèmes,
mais le zèle est souvent bien mal récompensé, et vouloir respecter strictement toutes les procédures administratives pour la plus petite intervention relève du masochisme :
- le cadre légal est
excessivement lourd et rigide quand on considère certains petits travaux nécessaires à la remise en état d'un moulin, par exemple le changement d'une vanne, le nettoyage d'une portion de canal, ou la réparation d'un muret : re-sceller au mortier quelques pierres de taille du mur qui borde une rivière, en travaillant hors d'eau mais dans le lit de la rivière, vous expose à une contravention avec amende, si vous n'avez pas rédigé au préalable une déclaration de travaux ! Installer sur un ruisseau de montagne qui coule chez vous une nano turbine consommant
deux litres par seconde nécessite parait-il une enquête publique ...
- beaucoup des paperasses demandées en quatre exemplaires ne servent à rien : par exemple on vous impose lors d'une déclaration préalable une analyse d'eau ou de sédiments (qui concerne il me semble plus ceux qui sont en amont que vous), mais personne ne vérifie où vous effectuez le prélèvement, ni comment : c'est un mélange de fausse rigueur administrative et de bonne foi qui ne rime à rien.
- par ignorance, par zèle, ou pour vous nuire, un interlocuteur d'une administration peut tout à fait vous orienter vers une démarche (demande d'autorisation de travaux) plutôt qu'une autre (déclaration de travaux) : simple case à cocher sur un formulaire, qui vous fait passer de quelques mois à quelques années de procédures. J'ai la chance de ne pas être dans ce cas, mais cela s'est déjà produit (voir les témoignages sur le forum), et en l'occurrence, les personnes malhonnêtes sont du coté de l'administration.
- quand vous vous lancez dans les démarches légales, vous avez à faire à quantité d'interlocuteurs : j'ai bien dû contacter 15 personnes différentes dans un dossier en cours : mairie, préfecture, DDT, Onema, Agence de l'Eau, cabinets spécialisés, laboratoire d'analyses, entreprises ... Sur tel point précis voir untel, sur tel autre point c'est machin, etc.. Compter aussi les réunions sur site, les heures passent vite, en plus celui avec qui vous discutez sur place n'est pas celui qui rédige un rapport écrit qui va finalement conclure à l'inverse de ce qui était convenu verbalement !
- les spécialistes de l'eau sont rarement d'accord entre eux : j'ai eu quelques échos de la réalisation d'une passe à poissons dans un bois de la région (sur le domaine publique) pour effacer le seuil créé par un pont routier sur un petit ruisseau de montagne (pas loin de la source, très peu d'eau coule entre les pierres, nombreux passages avec une lame d'eau de 2 cm, et dans lequel je serais curieux de voir remonter des poissons, car ça doit bien grimper de 1 m tous les 4 m) : foire d'empoigne entre spécialistes des différentes administrations, BE, riverains, chacun sortant ses calculs ...
- il n'est pas toujours possible de joindre ses interlocuteurs : j'ai eu plusieurs fois le cas d'un interlocuteur parti en vacances juste au moment critique (par exemple en cours de travaux, et peu avant la période d'interdiction de travaux en rivière). Aucun collègue ne veut prendre le téléphone pour répondre à vos questions sur le dossier en cours, ou alors c'est la grosse ouverture de parapluie pour ne surtout pas s'engager ni prendre de responsabilité dans le dossier.
- les délais de réaction sont trop longs : il faut parfois attendre plusieurs mois une réponse écrite, si elle arrive.
- en principe, on est tous égaux devant la loi. En pratique,
c'est du pipeau : il n'en est rien, le particulier ou le petit entrepreneur sont des cibles faciles, il suffit de comparer (au niveau impact sur l'environnement, et au niveau répression ou paperasses) le nettoyage de 10 m de bief d'un ancien moulin, à certains grands projets (aéroport, autoroute, voie de contournement, TGV, centrale nucléaire, ...) qui sont imposés à l'administration soit par une armée d'avocats ou de cabinets spécialisés, soit par une volonté politique, avec ou sans l'accord des fonctionnaires en place ... Le particulier a par contre droit à toutes les paperasses et rancœurs diverses, sorte de vengeance du faible sur le faible.
- c'est la même chose avec les grosses industries qui bordent les rivières, dont certaines envoient
légalement dans la rivière chaque année,
et par centaines de kg, des polluants comme l'arsenic, le cyanure, le mercure, le plomb, le cadmium, etc ... Au moment où une telle usine s'installe, les communes / départements / régions / ou même l'état veulent attirer cette nouvelle activité : en plus des aides foncières, infrastructures routières ou ferroviaires, fiscales, etc... on ferme les yeux sur le coté pollution, ou on établi un cahier des charges laxiste, avec des normes de rejet élevées. "Normal", il y a en contrepartie quelques centaines ou milliers d'emplois. Ces normes sont tellement élevées qu'elles sont rarement dépassées et il y a de plus un accord tacite pour n'effectuer
aucun contrôle (les pollutions accidentelles sont en général détectées par des pêcheurs, et non pas lors de contrôles). Et en cas de dépassement, le chantage à l'emploi fait vite retomber tout ça. Et il est beaucoup plus facile pour une administration d'envoyer 3 ou 4 personnes verbaliser un particulier qui répare une berge, plutôt que d'entrer sur le site gardienné d'une grosse entreprise pour une vérification à l'improviste.
-
les différentes administrations vous diront toujours ce qu'il ne faut pas faire, elles ne vous indiqueront jamais ce qu'il faut faire : il est en effet beaucoup plus facile de chipoter, de critiquer votre proposition, vos plans, ou votre réalisation, que de proposer une solution et s'exposer ainsi à la critique
- malheureusement, je constate que parfois, des membres de la DDT ou de l'Onema font preuve de partialité, et qu'au lieu de faire appliquer les textes de loi d'une façon neutre, ils cherchent à retenir l'information, ou à contourner les textes, chipoter, ou traîner des pieds, pour empêcher telle ou telle remise en service d'une ancienne centrale, ceci en reflet d'une opinion purement personnelle contre l'hydroélectricité. En principe un fonctionnaire ou un responsable d'une organisation quelconque doit être impartial, et faire appliquer les textes, même si ceux-ci sont en contradiction avec ses opinions personnelles (je sais, je l'ai déjà dit, mais ça mérite bien d'être dit deux fois).
- les textes de loi eux-mêmes évoluent au fil des ans, et ils évoluent bien sûr toujours avec beaucoup de retard sur les faits : on va tout doucement vers une énorme crise de l'énergie, de l'eau potable, des ressources fossiles, avec des bouleversements climatiques et sociaux : il me semble évident qu'il faut changer radicalement de mode de vie, consommer moins de ressources, polluer moins, et favoriser le retour à une vie plus locale : moins de transports énergivores (routiers mais aussi d'énergie), donc des productions d'énergie plus diversifiées et locales, recréer un tissu local, une vie sociale, une agriculture traditionnelle, de l'artisanat : en ce sens, faire revivre les moulins me paraît souhaitable : au lieu de vendre de la farine, ils vendront de l'électricité (ils peuvent quand même moudre du blé, mais c'est un métier que tout le monde ne connaît pas !). Mais personnellement, vu l'évolution des 100 dernières années, je vois bien un futur à la Mad Max, ou Blade Runner, avec une élite (10% de la population) qui s'en sortira toujours, et le reste de la planète qui se débrouillera comme il pourra pour survivre dans la m... peu de boulot, quasiment plus d'air propre, peu d'eau potable, une énergie rare et hors de prix, des vents chargés de particules radioactives, un climat style cuvette de WC avec succession de périodes sèches et de pluies torrentielles, etc ... (je sais, je suis encore trop optimiste, il peut arriver bien pire
)
- je vois quantité de moulins pour mon travail, il est rare qu'un propriétaire réalise des gros travaux sans autorisation. J'ai vu une fois la restauration complète d'un ancien moulin abandonné, par un passionné (à la folie ?) : bâtiments avec murs de 60 cm en pierres de tailles assemblées au mortier de chaux, toitures refaites à l'ancienne, nettoyage des terrains, reprise complète du seuil éventré par une crue (des centaines de tonnes de pierres remises en place), réfection complète des canaux en pierres de taille (batardeaux, détournement provisoire du bief ...), tout cela sans la moindre déclaration ... Avec au final une magnifique restauration du patrimoine, des superbes plans d'eau et biefs remplis de poissons (même en période de sécheresse), etc... A coté de cela, je connais plusieurs autres sites où le propriétaire a été découragé ou empêché par une armée d'opposants (administration, pêcheurs, riverains, souvent par simple jalousie) : la situation stagne, comme l'eau du bief, et la vase et les bouteilles plastiques envahissent les anciens ouvrages à l'abandon : un meunier est censé entretenir son moulin, on le menace de supprimer son droit d'eau s'il ne le fait pas, mais d'un autre coté on fait tout pour l'en empêcher, cherchez l'erreur !
- une remarque : l'effacement des seuils est actuellement critiqué par plusieurs études scientifiques (en plus du simple bon sens) : là où il a été réalisé, on constate en période d'eau une remontée des espèces animales invasives, et en période d'étiage une baisse du niveau d'eau, avec une concentration en polluants, une forte mortalité des poissons, des odeurs de vase, la mort de toute vie associée (plante et insectes) sur les berges, un affaissement des rives, une fissuration des murs des anciens bâtiments en bord de rivière, la baisse du niveau des nappes phréatiques, etc ...
En conclusion :
- oui au strict respect des lois, mais par tout le monde, industriels, lobbys et administration comprise
- oui à des procédures et contrôles proportionnels aux nuisances : radioactivité, engrais, pesticites, métaux lourds sont loin devant les moulins
- oui à une approche concertée, pragmatique et de bon sens de part et d'autre, quand la loi est inadaptée ou trop lourde pour un cas particulier
- oui à une évolution des textes quand ils ne répondent plus à la situation actuelle
Bon, c'était mon moment de mauvaise humeur, bon Week End à tous !
dB-)