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Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 11 mars 2016, 01:21
par CF21
Pour info, ma lettre à Plisson

Monsieur le Député,

Refusant un amendement sur la continuité écologique (51 Undecies) qui demandait simplement une analyse coût-avantage avant d'envisager un effacement (quelle audace…), vous avez déclaré à vos collègues :

"Je préside une communauté de communes qui gère un bassin versant et nous nous efforçons de restaurer la continuité écologique, en concertation avec les propriétaires de moulins. Il faut savoir qu’une alose ne peut pas franchir cinq obstacles consécutifs. Nous devons donc privilégier, soit la biodiversité, soit les moulins. Or ceux-ci sont pour les poissons des obstacles infranchissables. N’est-ce pas une loi sur la biodiversité que nous examinons ? À un moment donné, il y a des choix à faire ; et, en ce qui me concerne, je fais le choix du poisson."

Je me permets de vous faire remarquer les points suivants relatifs à l'étude MIGADO des potentialités de l'Estuaire :
- l'alose ne figure pas dans les espèces cibles,
- l'étude considère 88 obstacles problématiques sur 175,
- l'étude envisage 4 démantèlements pour 84 aménagements non destructifs.

Ces solutions paraissent équilibrées, pourquoi ne les mettez-vous pas en avant ? Sachez qu'elle sont impossibles dans certains bassins où les Agences de l'eau ne financent convenablement que des solutions d'arasement et dérasement des ouvrages (Loire-Bretagne, Seine-Normandie par exemple). Sachez également que les moulins n'ont pas de problèmes en soi avec la continuité écologique quand elle concerne les grands migrateurs, mais ils n'ont tout simplement pas la possibilité de prendre à leur charge les 50 k€ par mètre de chute (évaluation coût moyen Agence de l'eau RMC) et frais supplémentaires de bureaux d'études que représentent ces réformes. Et quand de telles dépenses sont envisagées pour des poissons non migrateurs (ce qui est le cas dans nos têtes de bassin), ils en contestent l'urgence, voire en nient la nécessité si l'espèce cible est présente sans problème dans la rivière, dans les zones de libre-écoulement.

Connaissez-vous, Monsieur le Député, beaucoup de réformes dont la conséquence est de demander à des particuliers non seulement d'accepter une servitude nouvelle (entretien à vie de la passe) mais encore d'engager à leurs frais, pour un dispositif d'intérêt général, des dépenses allant de dizaines à centaines de milliers d'euros ? Connaissez-vous beaucoup de réformes où la loi commune de la République se traduit par une inégalité systématique des citoyens devant les charges publiques, car chaque Agence de l'eau, chaque DDT(M) et chaque service Onema interprète les besoins de franchissement et les propositions de financements de manière variable, y compris pour des problématiques similaires?

Nous regrettons donc vivement que vous refusiez des amendements destinés à amener un peu de responsabilité et de pondération dans une mise en oeuvre actuellement fort problématique de la continuité. Avec ou sans délai supplémentaire de 5 ans, la réforme ne sera applicable que si les dispositifs de franchissement sont publiquement financés au même titre que les effacements. La loi de 1865 sur les échelles à poissons a été très peu appliquée pour les mêmes raisons, vos prédécesseurs parlementaires l'observaient dans les années 1880. Il en va de même plus récemment pour les rivières classées au titre du L 432-6 CE. Il serait utile que la République possède la mémoire des réformes antérieures et de leurs limites pour éviter de répéter encore et encore les mêmes erreurs.

Quant au bon mot consistant à préférer les poissons aux moulins, il ne rend pas justice à la situation, ne reflète pas les choix proposés sur l'Estuaire et, subsidiairement, ne vous vaudra probablement pas beaucoup d'amis chez les amoureux du patrimoine hydraulique.

Avec mes respectueuses salutations

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 11 mars 2016, 01:27
par CF21
Et lettre moins aimable à Gaillard

Madame la Députée,

Dans les échanges sur la 2e lecture de la loi de Biodiversité à l'Assemblée nationale, vous avez prétendu en rejetant l'amendement 51 Undecies A que la DCE 2000 demande la continuité écologique et que la "fronde des moulins" rejette cette DCE.

C'est une double erreur.

La DCE 2000 mentionne la "continuité de la rivière" comme élément d'appréciation mais n'enjoint en rien de faire de l'hydromorphologie (dont la continuité longitudinale est une dimension parmi d'autres) une condition du bon état. Voir cet article sur ce que demande l'Europe et aussi sur ce qu'elle pense réellement de notre action sur l'eau.

Quant aux moulins, ils n'ont jamais rejeté la DCE 2000 mais le choix impossible dans lequel ils sont placés par l'interprétation administrative du L 214-17 CE : soit détruire leur bien, soit dépenser des fortunes pour des passes à poissons à l'utilité non scientifiquement démontrée dans bien des cas.

Le Ministère de l'Ecologie, les Agences de l'eau, l'Onema engagent aujourd'hui des gabegies d'argent public sous couvert de continuité écologique, y compris pour détruire des ouvrages dans des rivières dont l'état piscicole DCE 2000 est déjà bon ou excellent (en contradiction manifeste avec un supposé intérêt prioritaire au regard de cette DCE). Voyez un exemple encore récent, il est loin d'être isolé.

C'est une honte de jeter ainsi l'argent public dans la rivière et vous mesurez manifestement mal la colère que ces dérives suscitent sur nos territoires, alors que la France est en retard sur l'application de toutes les directives européennes (Nitrates, ERU, DCE, Pesticides, etc.) et que tout le monde doit se serrer la ceinture du fait de la crise, y compris les collectivités.

Il est déplorable que les représentants de la République continuent de déformer les textes et de méconnaître les réalités.

Avec mes respectueuses salutations,

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 11 mars 2016, 06:44
par KW12
Bonjour à tous,

Merci CF21 pour cette info très importante.
C'est là que l'on voit comment des incompétents décident du n'importe quoi! et gaspillent de l'argent public en roulant le public dans la farine.
Une véritable HONTE !!!!!!!!!!!!
Je suis retourné de voir un tel comportement et prépare une lettre de protestation! il va falloir crier fort pour ce faire entendre.
J'espère que nous serons nombreux à protester contre ces propos incohérents et dénués de fondements objectifs.

Cordialement.

KW12.

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 11 mars 2016, 06:47
par CIE87
très bonnes réponses, une mise en copie aux autres membres de la commission Développement durable aurait eu encore plus d'impact. A l'occasion, je ferai une recherche pour trouver tous les membres de cette commission.

Voilà pourquoi cela va aussi mal en France...
GAILLARD et PLISSON sont des exemples symptomatiques des élus de notre République.... des incompétents qui ne se donnent même pas la peine de maîtriser les dossiers, donc facilement manipulables par les mafias et autres lobbyistes (ici la mafia anti-moulins) et qui se permettent de prêcher la "bonne" parole aux autres parlementaires avec une attitude péremptoire...
Pauvre France....

CF21, je n'ai pas retrouvé sur votre site la page qui indiquait que la mauvaise qualité des eaux n'était due qu'à 10% aux seuils et barrages...

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 11 mars 2016, 07:05
par CIE87
on avait déjà les pilleurs d'état (excellent livre de Philippe Pascot que je vous recommande), maintenant les CHARLOTS de l'état.... qui votent des lois sur les moulins sans rien n'y connaître

extrait de "Pilleurs d'Etat : pourquoi nos élus en arrivent à se prendre pour des surhommes (et s'en mettent plein les poches)"


C’est l’ancienne ministre Michèle Delaunay, députée de Gironde, qui a très bien décrit le phénomène sur son blog en septembre 201430. Elle y décrit le parcours carriériste de nombre de ses collègues qui suivent tous à peu près le même chemin, certains allant juste plus vite que d’autres. Elle constate aussi que les élus (de plus en plus nombreux) et les parlementaires ne savent rien de la vraie vie, celle des fins de mois difficiles, des courses à faire pour la semaine, des repas à préparer pour les enfants, de la voiture qui tombe en panne au mauvais moment, des transports en commun bondés et toujours en retard.

De tous ces petits détails, qui empoisonnent la vie quotidienne de tout un chacun, ils n’ont jamais connu l’ombre d’une miette.
De la vie, ils ne connaissent que celle qu’ils se sont bâtie en consacrant l’essentiel de leur temps à atteindre le seul objectif qu’ils se sont fixé : être élu. Et comme le dit très justement Mme Delaunay, le virus sympathique du départ, cette envie de transformer le monde, d’aider son prochain, se mue en maladie incurable de celui qui sait tout, dont la parole devient d’évangile, la volonté de puissance remplace celle de bien faire : le surhomme vient au monde. Celui qui, parce que le système le veut, perd toute spontanéité et se met à calculer ce que veut voir l’électeur et non ce qu’il faut faire en réalité pour l’intérêt général.

Car à ce stade de la carrière naissante de l’élu, celui-ci prend goût au pouvoir et à tout ce qu’il représente. Du jour au lendemain, son statut change, il cesse de faire partie du commun des mortels, il devient un personnage, un notable, quelqu’un de respectable et de respecté.

Je l’ai moi-même vécu après mon élection en tant que conseiller régional d’Île-de-France, puis de président de la commission de la formation professionnelle et de l’apprentissage de la Région Île-de- France. D’un coup d’un seul, je suis devenu quelqu’un d’autre. On aurait pu croire qu’une fée s’était penchée soudainement sur mon berceau d’élu et, d’un coup de baguette magique, m’avait rendu immédiatement beau et intelligent… Du jour au lendemain, un certain nombre de courtisans administratifs, souvent des chefs de service qui hument la possibilité d’une promotion, venaient me voir, l’échine courbée, me serinant de façon obséquieuse du « Le président veut-il… » ou du « Si le président pense… » à chaque phrase requérant mon attention.

À l’époque, ce tumulte soudain m’avait tellement perturbé que j’ai mis une bonne journée à comprendre que le président dont parlaient sans arrêt ces gens, et qui paraissait si important à leurs yeux, eh bien c’était moi ! Et non Jean-Paul Huchon, le président de Région, comme je l’ai cru toute la journée.

Cela crée un choc et vous propulse vite, si on n’y prend pas garde, sur un nuage où on se laisse vite bercer..

Le pouvoir que l’on vous octroie procure les avantages qui en sont l’accessoire (téléphone, Internet, frais

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 11 mars 2016, 08:14
par CF21
CIE87 a écrit : CF21, je n'ai pas retrouvé sur votre site la page qui indiquait que la mauvaise qualité des eaux n'était due qu'à 10% aux seuils et barrages...
Etude Van Looy et al 2014, 12% de variance de qualité piscicole due aux barrages, corrélation nulle ou positive (et non négative) à la biodiversité de la rivière

Etude Villeneuve et al 2015, barrages 13e facteur de dégradation piscicole, très loin derrière les usages des sols et les pollutions

Synthèse des études récentes (une quinzaine) montrant un faible impact des seuils et barrages sur les milieux aquatiques

Synthèse des études (une vingtaine) montrant un effet positif de retenues et réservoirs sur l'épuration chimique de l'eau

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 11 mars 2016, 10:47
par CF21
En ligne sur notre site, des versions publiques un peu augmentées des lettres aux députés.

La liste de la commission DD de l'AN.

Le mieux est que chacun s'exprime avec ses mots (courtois) et ses exemples aux députés les plus proches géographiquement.

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 12 mars 2016, 09:02
par KW12
Bonjour à tous,

Pour ma part la REPLIQUE est rédigé et sera envoyé Lundi!

(aux modérateurs: si vous trouvez insulte ou quoi que ce soit d'indécent n'hésitez pas à supprimer la pièce jointe)

cordialement.

KW12.

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 14 mars 2016, 17:23
par Erwan
@Kw12
Ta lettre est très bien, cependant... ;)
Je me permets deux remarques (J’espère que tu ne trouveras pas ça déplacé)
  • Les accusations frontales de type "vous n'avez rien lu, rien compris" encouragent le lecteur à jeter la lettre à la poubelle ou au moins à détourner son attention de l'objet de la missive
  • Sans vouloir lancer un débat sur le loup, je pense que c'est trop sujet à polémique et hors sujet dans cette lettre

Re: Le député Plisson préfère les poissons...

Publié : 17 mars 2016, 23:10
par CIE87
mon courrier adressé au Président de la commission Développement Durable et de l'Aménagement du territoire avec copie aux 66 autres membres de la commission :

Monsieur Le Président de la commission du développement Durable et de l'Aménagement du territoire,


Propriétaire d'un ouvrages hydraulique et concerné par la continuité écologique, j'ai consulté les débats à la commission du Développement Durable. Madame la députée GAILLARD en était la rapporteure.

J'ai été désabusé par la teneur des débats.

D'une part, la rapporteure ne maîtrisait visiblement pas son sujet : elle stipulait que l'amendement 51 Undecies devait être supprimé car la DCE 2000 imposait la continuité écologique pour les seuils des moulins. Il n'en est rien, comme l'explique cet article.

http://www.hydrauxois.org/2015/11/idee- ... -nous.html

D'autre part, elle stigmatisait les moulins et indiquait aux autres membres de la commission que les propriétaires de moulins refusaient de se soumettre à la DCE 2000, ce qui est faux. La « fronde des moulins » - dixit Mme GAILLARD- est simplement une conséquence d’une transposition zélée de la DCE 2000 en loi française aux implications financières désastreuses pour les propriétaires de moulins. Il est trop facile de rejeter les responsabilités « à l’Europe » pour ne pas assumer celles du législateur français ou de l'administration française et ses décrets...

L’attitude professorale voire péremptoire du député Plisson et ses commentaires ponctués de préjugés et d'idées reçues sont également regrettables et prouvent qu’il ne connaît pas les dernières recherches scientifiques démontrant que les seuils des moulins n’ont qu’un infime impact sur la biodiversité des rivières (en 13e position seulement ! – voir l'Etude Villeneuve et al 2015).

http://www.hydrauxois.org/2015/02/densi ... s-13e.html

Toutefois, Monsieur le député Plisson, à sa décharge, n'était pas le rapporteur censé éclairer de manière objective les autres membres de la commission moins au fait du dossier...

Ce type de débats risque donc d'interroger le citoyen sur la crédibilité de ses élus et de lui donner une fois de plus le sentiment d'un écart croissant entre ses représentants et la réalité...

C'est pourquoi, le choix des rapporteurs devrait être effectué avec la plus grande vigilance...

Avec mes salutations les plus respectueuses
Emails des 67 membres de la commission Dév Durable à l'AN.doc