Bonsoir,
holaaa, je n'en prends nullement ombrage (j'en prendrais plutôt parapluie vu la météo
).
"Il y a un vide chez les turbiniers Européens dans leur offre" ... "sous 2 à 3 m de chute" : il y a en Europe des dizaines de fabricants de roues, vis, turbines hélice, Kaplan, Francis, Vortex, ou autres. Plusieurs modèles conviennent pour des chutes à partir de 2 m, mais il est vrai que la plupart des fabricants proposent surtout des modèles pour plus de 3 m de chute : le site est rentable, il est facile de vendre une turbine avec une bonne marge ...
Le problème est plutôt en dessous de 2 m de chute, là je suis totalement d'accord, il y a un vide au niveau de l'offre (*): or de nombreux anciens moulins de plaine ou de vallée ont été construits avec des petits seuils de 1 m à 2 m, et des débits de 1 à 5 m3/s : ces sites (qui se suivaient parfois tous les 300 m sur une rivière) ont été équipés à l'origine de roues de coté ou en dessous, puis de turbines Fontaines, que personnellement je trouve géniales (sauf le problème du réglage de distribution, qui n'a jamais été bien résolu). Souvent à l'abandon, ils mériteraient d'être remis en service, pour entretenir les seuils, les vannes, nettoyer les rivières, et parce qu'ils peuvent facilement être équipés d'une passe à poissons (assez peu coûteuse en basse chute).
Je travaille quand j'ai une minute à la réalisation d'une reconstitution de turbine Fontaine en PMG et vitesse variable, mélange d'ASICs et vielles dentelles. A ce propos je cherche un financement, donc à caser le prototype, avis aux amateurs proches des Vosges et ayant une très basse chute à équiper : échange faible prix d'achat contre compréhension et tous les ennuis de la mise au point !
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"Les chinois semblent proposer des machines rustiques, un peu approximatives" : C'est exactement le cas des anciennes petites turbines Françaises que je découvre souvent enfouies sous la boue : ces machines construites dans les années 1900, pas seulement par des fabricants renommés, mais aussi par des petits fondeurs artisanaux locaux, n'étaient nullement conçues sous CATIA, Solidworks ou par éléments finis (**) : c'étaient "des machines rustiques, un peu approximatives", construites intuitivement, avec des profils dessinés à la main, souvent copiés sur la forme d'un poisson (qui bénéficie quand même de quelques millions d'années de développement), évidemment quelques calculs d'hydraulique (essentiellement au niveau des vitesses d'eau et de l'inclinaison des pales, pour éviter les chocs de l'eau entre le moment où elle quitte le distributeur fixe et le moment où elle arrive sur la roue en rotation), des moules en bois taillés et finis à l'huile de coude, et des roues bien dodues moulées en fonte, et fabriquées en grandes quantités. Ces turbines ont tourné sans problèmes pendant des décennies, accumulant des millions de kWh, bien qu'ayant des performances souvent modestes.
Oui, à ce niveau là, je pense qu'on a perdu un savoir faire : savoir réaliser des turbines basiques, à un coût abordable. On est tellement obnubilés par une recherche de performance, avec une envolée des coûts, qu'on en oublie ce marché de petites turbines économiques. Par exemple les roues de petites turbines meccano soudées actuelles, avec conception en CAO et usinage unitaire sur machines numériques 5 axes, ont certes un meilleur rendement que les anciennes roues, mais coûtent probablement 4 ou 5 fois plus cher.
Le vide est là, dans l'offre Française ou Européenne de petites turbines basiques, solides, fiables et économiques. Pour nombre de moulins, en autoproduction (ou même vente), si on a un rendement de turbine de 70% ou même 60% au lieu de 82,74 % ce n'est pas important, de toutes façons il y a souvent plus d'eau qu'il n'en faut pour chauffer et éclairer le moulin. Par contre, payer 250 k€ une installation qui va délivrer 20 ou 30 kW , et se lancer dans un amortissement sur 10 ou 15 ans, comme je l'ai vu proposer dans plusieurs devis (avec parfois une surestimation des capacités de production du site, un oubli de la maintenance, des intérêts d’emprunts, des années sèches, etc ...), ça, peu de propriétaires de moulins peuvent se le permettre, et je les comprends.
"on a tous plus ou moins testé, à nos dépens, le pauvre outillage "du camion" ou l'électro ménager du hard discounter" : j'utilise aussi bien de l'outillage du camion ou du Bri** Dép** que du Facom, Sam, etc.. acheté chez les revendeurs professionnels. Les deux ont leur utilité : il m'arrive de modifier une clé, la tordre, ou la souder pour aller dans un coin inaccessible, et ça je ne le fais pas sur une Facom ... Autre exemple, je "consomme" en gros 1 à 2 disqueuses par an : une petite disqueuse de 125 mm Bosch, Makita, Dewalt, etc (avec démarrage progressif, variation de vitesse, serrage sans clé, environ 150 €), est-elle 15 fois meilleure, dure-t-elle 15 fois plus longtemps, que le modèle sans marque à 10€ du discounter en outillage ? je n'en suis pas certain. De toutes façons, quand ces machines avalent des litres de poussière de ciment ou de rouille,à un moment elles s'encrassent, grésillent et fument, quelle que soit la marque. En plus, il est bien difficile de dire qui se cache derrière qui ... Vous achetez une voiture Volvo, en fait c'est une Geely (chinois) ...
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"Résultat des courses, des paquets de braves ouvrières de chez Moulinex fichues à la porte à 50 ans et qui deviennent une charge pour l'assurance chômage" : je regrette moi aussi cette triste évolution, qui date hélas de bien longtemps, avec la disparition des retorderies, clouteries, filatures et usines de textile, de l'horlogerie, du mobilier, de la sidérurgie, etc etc ... pour quantité de raisons : incompétence, connivence, ou manque de vision politique, évolution sociale, libéralisme excessif, concurrence économique, et inertie industrielle : certaines industries ne se sont pas adaptées à l'évolution du marché.
"On a en France un réel savoir faire en matière de turbines hydrauliques" : je suis tout à fait d'accord, et c'est lié à la forte part de l'hydroélectricité en France. Mais je suis désolé de constater que ce savoir faire se cantonne à des turbines de haute technologie, très coûteuses, et pour des puissances assez importantes. Je constate qu'il n'y a pas de savoir faire industriel au niveau d'une gamme de "petites" turbines "populaires" simples, robustes, économiques, réalisées en série, et d'une puissance de quelques kW à quelques dizaines de kW , pour équiper des anciens moulins.
C'est pourquoi j'en suis actuellement réduit à importer des turbines d'Europe de l'Est ou d'Asie, dans les cas où l'ancienne turbine d'un moulin est irréparable, et où le client n'est pas millionnaire. D'autres pays font preuve de plus de pragmatisme, par exemple au Vietnam : la plus grande partie de la production des turbines PowerPal est vendue et utilisée dans le pays même, pour l'installation de nombreuses petites productions hydroélectriques simples à mettre en œuvre et à utiliser, pour fournir localement un peu d'énergie. Mais je ne désespère pas de faire réaliser prochainement ces turbines localement (dans les Vosges ou ailleurs), et j'y travaille ! Il y a juste quelques centaines d'heures de réflexion au niveau conception, non pas pour atteindre les 100% de rendement, mais pour viser la robustesse, la simplicité d'usinage et de montage, et raboter les coûts d'oxycoupage, chaudronnerie, soudure, moulage, usinage, peinture ... ceci afin de proposer par exemple à une turbine qui passe 3 m3/s sous 1.4 m de chute et coûte moins de 20 k€.
"D'un point de vue économique c'est nul, car la machine une fois payée, nécessite environ 60% de son prix en remise en état" : Pas toujours, si je considère par exemple les turbines PowerPal hélice simples, la plupart des pièces sont surdimensionnées : corps, arbre, distributeur, etc..., on est à près d'une tonne pour une turbine hélice de 15 kW , et 130 kg pour une 2 kW ... Les seules pièces d'usure sont le joint tournant inférieur (ressort inox, garnitures carbone et céramique) et les différents roulements (de marque SKF) : à changer probablement un jour ou l'autre, mais sûrement pas pour 60% du prix, disons plutôt 3 ou 4 %. Au pire, en cas d'avarie, l'hélice peut se changer séparément si besoin.
Turbine hélice simple.JPG
Dépose de l'hélice.JPG
"On est dans le développement durable, il me semble, et seule l'hydraulique permet de faire tourner du matériel qui dépasse notre propre espérance de vie !" Tout à fait, et je vois toutes les semaines des installations centenaires, avec de très vieilles turbines rustiques en fonte, certaines tournent depuis plus d'un siècle, avec très peu de maintenance. Pourra-t-on en dire autant des VLH et des turbines meccano soudées ? Je le souhaite, mais je me pose la question, car ce sont souvent des matériels de haute technologie, et complexes.
"Ne risque-t-on pas en s'équipant de matériel de petite qualité et low cost de perdre un savoir faire ?" On peut dire aussi : ne risque-t-on pas, en vendant hors de prix un matériel normal, de perdre des parts de marché, de rester cantonné à un marché élitiste, et de voir un jour débarquer chez nous des turbines fabriquées ailleurs, selon des critères plus adaptés à l'attente des propriétaires de moulins ?
Le terme "low cost" peut être vu sous un jour attractif ou péjoratif, avec quantité d'exemples dans les deux cas. Et la qualité n'est pas liée directement au coût, qui dépend de beaucoup de paramètres : taille et structure du fabricant, niveau de rémunération des salariés, savoir faire global et astuces de conception, montage, et usinage, grelots éventuels (procès, erreurs passées, etc ...), choix des matériaux, coût des matériaux et de l'énergie, organisation des ateliers, implantation en zone franche ou non, aides fiscales, travail avec les sous traitants, process choisis pour la fabrication, contrôles en fin de fabrication, certification éventuelle ISO, coût du dépôt de brevets, publicité, marge ... C'est une approche globale.
(*) quelques exceptions, comme le site
http://www.zotloeterer.com qui propose des turbines Vortex fonctionnant à partir de 0,7 m de chute
(**) A l'époque, faute de pouvoir calculer le moindre détail, les machines étaient souvent surdimensionnées. Aujourd'hui, les CAO et autres outils informatiques servent avant tout à grignoter la matière et à dimensionner au plus juste !
dB-)