BREVE
HISTOIRE DES TURBINES
Bien d’autres
perfectionnements pouvaient être encore apportés aux installations
hydrauliques à roues verticales après ceux dont elles avaient bénéficié
jusque . Mais il ne paraît pas que ces améliorations auraient été
susceptibles de transformer d’une façon appréciable l’économie de mode
d’e l’énergie des cours d’eau.
Les constructeurs et exploitants se
rendaient compte vers le milieu du 19ème
siècle
des avantages et des inconvénients des roues classiques verticales ; un
ingénieur français réputé pour ses connaissances dans ce domaine, Armengaud
, écrivait vers cette époque dans son Traité des moteurs
hydrauliques :
« Elles ont l’avantage (les roues verticales) d’exiger peu de
frais d’entretien, d’être
faciles à réparer et de ne pas être bien susceptibles de se déranger. Il
suffit
souvent, en effet, de remplacer quelques aubes, de resserrer quelques
boulons, et elles marchent ainsi des années entières sans aucune réparation
« .
En retour ces installations étaient encombrantes , les roues n’étaient
animées que
d’une vitesse relativement faible et se trouvaient bloquées par le gel au
cœur de l’hiver. Même les roues à augets, en dessus ou de côté, dont les
limites d’utilisation étaient plus étendues et le rendement plus élevé, présentaient
des inconvénients du même ordre qu’il n’était pas possible d’éliminer.
Malgré
l’augmentation du nombre des machines à vapeur mises progressivement en
service en France après la fin des guerres napoléoniennes, les besoins en énergie
hydraulique ne cessaient de croître. Plus exactement le nombre et le développement
des établissements industriels restaient étroitement dépendants de
l’accroissement de l’énergie hydraulique utilisable. La France possédant
des cours d’eau abondants et dont les régimes présentent les plus grandes
variétés, il est naturel que sous la pression de l’expansion industrielle on
ait prêté plus d’attention dans ce pays à la possibilité de créer un type
de moteur hydraulique répondant à des besoins nouveaux. C’est la Société
d’ Encouragement à l’ Industrie nationale qui provoqua cette création en
offrant en 1826 un prix de 6 000 francs pour l’application en grand dans les
usines et manufactures des turbines hydrauliques.
Le
terme même de turbine avait été créé par l’ingénieur des mines Burdin,
professeur à l’ École de Saint-Étienne. Ce terme nouveau désignait un modèle
de roue hydraulique horizontale dont il avait fait l’étude deux ans
auparavant. On sait que les roues horizontales étaient connues depuis
l’origine des moulins à eau; mais elles n’ont été vraiment utilisées que
dans des circonstances déterminées. En France leur usage ne semble pas s’être
étendu au-delà des régions méridionales.
L’axe
étant vertical on pouvait fixer une meule à sa partie supérieure sans organe
de transmission supplémentaire. C’est ainsi que la roue à cuillers, ou roue
des Pyrénées, convenait à de petites installations individuelles ; sa
technique de fabrication d ’un caractère purement artisanal
s’était répandue dans des régions géographiques diverses sans
grande variation. Elle s’est transmise jusqu’à nos jours sous la forme du
rouet arabe .
L’eau, qui était prélevée sur un torrent ou un ruisseau à courant rapide,
était amenée par ne rigole creusée dans le bois, ou même par une buse, pour
donner une plus grande impulsion aux pales taillées en forme de cuiller.
L’axe du moteur était animé d’une vitesse de rotation relativement rapide
et c’est certainement cette particularité qui a retenu l’attention
des ingénieurs du début du 19ème siècle.
Les roues à cuve
convenaient à des installations plus importantes sur des barrages
de très faible hauteur de chute, plus particulièrement sur les rivières assez
larges et d’un courant assez vif. On cite toujours
les fameux moulins du Basacle à Toulouse dont la description est donnée
par Bélidor dès la première édition de son Architecture hydraulique.
Il semble que ce type de moulin ait été employé surtout dans le midi de
la France, il y en avait sur l’ Aude,
sur le gave de Pau. Comme les précédentes, les roues à cuve n’ont pas été
d’un usage aussi répandu que les roues verticales, mais leur service a duré
assez tard vers notre époque.
La
roue, toujours taillée dans le bois, était formée d’un axe cylindrique sur
lequel prenaient les aubes hélicoïdales, et d’une couronne extérieure .
Elle était placée au fond d’une cuve de maçonnerie de quelques
dizaines de centimètres de hauteur. L’eau était amenée à la partie supérieure
par un coursier dont la section allait en se rétrécissant, de sorte que la
vitesse d’écoulement était accélérée à l’entrée dans la cuve.
L’eau
travaillait en traversant la roue de haut en bas. Ce type de roue, dont l’économie
appelle déjà celle des turbines de la première époque, présente
l’avantage de tourner également à une vitesse relativement élevée, mais
aussi d’être noyé dans le courant de l’eau, ce qui écarte
dans une grande mesure les risques d’immobilisation pour cause de gel. Ces
caractéristiques ont également retenu l’attention des mécaniciens à l’époque
de leur perfectionnement.
Il est probable que les dispositifs
de roulement à billes ont été utilisés pour la première fois, à une époque
qu’il est difficile de déterminer avec quelque approximation, pour faciliter
la rotation des roues horizontales; on employait des billes de marbre, de 8 à
10 cm de diamètre, disposées dans les rainures circulaires de deux plateaux en
bois.
Cependant
le rendement des roues horizontales traditionnelles ne dépassait guère les 25
% ; il pouvait descendre même assez bas (12 à 15 % au moulin du Basacle).
Le passage des roues horizontales aux turbines semble s‘être accompli
par une voie indirecte. En effet au cours du 18ème siècle plusieurs
mécaniciens, et en
particulier Léonard Euler et son fils, ont étudié le moyen de tirer parti du
principe du tourniquet hydraulique pour créer un moteur à réaction. Déjà on
trouve dans l’ouvrage de Branca le dessin d’un dispositif constitué par un
tube enroulé sur un cylindre . il s’agit cette fois d’une véritable
adaptation du tourniquet
hydraulique .
Un peu plus tard, vers 1750, l’Allemand Segner imagina de construire un
tourniquet hydraulique à plusieurs branches horizontales disposées en rayons
à la base d’un cylindre vertical.
La contribution la plus importante de cette époque fut celle des Euler qui décrivirent
dans un mémoire publié en 1754 un dispositif inspiré de celui de Segner. La
roue d’ Euler est constituée par une couronne cylindrique disposée
au-dessus d’une couronne conique .
La première faisant office de
distributeur était fixe, l’eau qui la traversait se déversait dans la
seconde par une série de tubes courbés. La couronne conique était portée par
un arbre rotatif vertical, elle fonctionnait sous l’effet de la réaction de
l’eau s’écoulant à sa base par des tubes courbés analogues à ceux de la
partie supérieure. Le principal mérite du mémoire d’Euler ne réside pas
dans la description et la théorie de cette machine qui
n’ont pas eu d’application, sauf une tentative de Burdin, mais dans le fait
qu’il propose l’emploi d’un distributeur fixe qui assure l’admission de
l’eau sur toute la surface de la roue à la fois et d’un dispositif d’écoulement
par toute la circonférence.
Le dernier essai pour l’application du principe du tourniquet est le levier
hydraulique de Mannoury d’ Ectot breveté en 1807. La machine était composée
d’un tube vertical d’adduction contourné à sa partie inférieure de façon
à introduire l’eau dans le tourniquet de bas en haut ; les deux tubes de réaction étaient courbés suivant des développantes
de cercle symétriques par rapport à l’axe vertical qui les supportait. Cette forme assurait
l’échappement de l’eau qui donnait le meilleur effet. Si ce dispositif a été
longtemps décrit dans les traités de physique il n’a jamais reçu
d’application pratique.
Burdin,
qui est toujours cité comme le prédécesseur ou plus exactement
l’inspirateur de Fourneyron, a réalisé vers 1820-1824 plusieurs
installations dans le département du Puy de dôme avec des machines
hydrauliques dérivées de la roue d’Euler. La première d’entre elles équipa
le moulin d’ Ardres et le moteur de Burdin fut connu sous ce nom pendant
quelque temps; celle des moulins de Pont-Gibaud a été décrite par Burdin lui
même en 1833. La roue de Burdin reprenait les dispositions essentielles de la
roue d’ Euler mieux adaptées au travail qu’on lui demandait. L’eau, amenée
par un distributeur supérieur, s’écoulait par des tuyaux inclinés dans le
rotor constitué par un disque annulaire horizontal .Elle s’échappait par des
tubulures en tôle inclinées maintenues entre deux couronnes. Burdin avait
imaginé de disposer ces tubulures alternativement vers la périphérie et vers
intérieur de façon à provoquer une « évacuation alternative ».
Il
est revenu plusieurs lois sur l’intérêt de ce dispositif qui permettait d’éviter
des turbulences nuisibles au rendement. Des essais au frein de Prony ont
montré que la machine de Pont-Gibaud avait un rendement de 67 % de puissance
disponible.
Pour répondre au concours de la Société d’ Encouragement, Burdm présenta
un mémoire qui étudiait les roues horizontales et dans lequel il abandonnait
le principe de la roue d’Euler. C’est dans ce mémoire que sont nées à la
fois la
désignation et la conception de la turbine centrifuge que Fourneyron devait réaliser.
On voit que tout l’épisode des tentatives d’exploitation du tourniquet
hydraulique ne se rattache à l’histoire des turbines que par le fait que
Burdin après avoir essayé de l’exploiter suggéra la transformation de la
roue horizontale en turbine.
La turbine qu’il a décrite se compose d’un distributeur fixe,
intérieur à une couronne mobile; le distributeur et la couronne mobile
sont munis d’aubes verticales dont la disposition et le profil ont été
minutieusement étudiés pour que l’écoulement de l’eau à travers les
orifices ménagés provoque une réaction sur l’élément mobile (fig. 19).
Burdin indique que ce mode de turbine peut fonctionner immergé et
n’occasionne aucune perte de chute.
La description de cette turbine n’est qu’une page du mémoire dans lequel
il
tirait les applications possibles des études théoriques que Borda et Navier
avaient publiées respectivement en 1767 et 1819. Comme il ne proposait pas de
solution pratique pour la construction des turbines, la Société d’
Encouragement ne lui a décerné qu’une médaille de 2 000 francs en laissant
le sujet au concours. C’est dans ces conditions que Fourneyron a présenté
quelques années plus tard le résultat de ses travaux qui lui a valu de
remporter en 1833 le prix de la Société.
Il
est indéniable que l’ oeuvre de Fourneyron repose l’enseignement que
celui-ci avait reçu de Burdin à l’École des Mines de Saint-Étienne.
Né en 1802, Benoît Fourneyron
devint en 1821 ingénieur aux Forges de Pont-sur-L'Ognon dans la Haute
Saone et fut
ainsi amené à s’occuper du perfectionnement des moteurs hydrauliques. La
roue hydraulique dont était équipée cette usine ne permettait pas d’entraîner
d’une façon convenable le laminoir avec lequel on se proposait de fabriquer
du fer blanc. Dès 1827, Fourneyron fit marcher une turbine d’essai de 6 CV
sous une chute de 1,40 m. Il installa en 1830 une seconde turbine sous une chute
de 3 à 6 m pour actionner une machine soufflante aux Forges de Fraisans dans le
Jura et presque
aussitôt une deuxième turbine d’une puissance de 50 CV dans le même établissement.
Fourneyron,
qui avait pris un brevet en 1832 ,
présenta à la Société
d’ Encouragement l’année suivante un mémoire donnant la
description de ces 3 turbines et une théorie générale de ces nouveaux types
de moteurs.
Les
turbines de Fourneyron sont constituées, à l’image du schéma général
donné par Burdin, d’un distributeur fixe circulaire placé à l’intérieur
du rotor, l’eau circule donc de l’intérieur vers l’extérieur et de haut
en bas; mais Fourneyron avait étudié également une disposition inverse de
celle qu’il a adoptée dans ses premières installations industrielles la
tuyauterie d’arrivée amenant à la base de la turbine l’eau qui circule de
bas en haut. Il ne semble pas que, par la suite, il ait utilisé cette
disposition.
Outre
la forme particulière des aubages dont l’inclinaison pouvait varier avec la
hauteur de chute, la turbine de Fourneyron possédait dès sa première époque
les caractéristiques d’un moteur industriellement utilisable. La mise en
charge se faisait dans un grand cylindre de fonte fermé à sa partie supérieure
par un couvercle et dans lequel débouchait latéralement le conduit
d’adduction. Après avoir utilisé des conduits en bois, Fourneyron a remplacé
rapidement ceux-ci par des conduits de fonte. Le cylindre couronnait le
distributeur à sa partie supérieure et contenait un dispositif de vannage
commandé par une manivelle extérieure.
La roue mobile était noyée dans
le canal de fuite en maçonnerie sur le fond duquel était fixée la crapaudine
supportant l’arbre de la roue; Cet arbre
se prolongeait vers le haut, sortait du réservoir par une boîte à étoupe et
portait à sa partie supérieure un pignon d’angle sur lequel
s‘ engrenait celui de l’arbre de transmission.
Une
série d’essais ont été effectués sur la turbine de Pont-surLognon, la
première mise en service. Les mesures au frein de Prony ont donné des
rendements variables de 51 à 88 % suivant les conditions de fonctionnement;
dans la pratique le rendement devait être de l’ordre de 70 %.
Roue Fourneyron
La consécration par la Société
d’ Encouragement valut à Fourneyron une grande notoriété. Il installa dans
les années qui suivirent plusieurs autres turbines en utilisant des chutes de
plus en plus élevées. En 1837-1838, il équipa dans la Forêt-Noire à
Saint-Blaise deux chutes d’une hauteur de 108 et 114 m chacune. Il avait
installé une conduite forcée qui avait 500 m de long et au bas de laquelle la
pression atteignait 11 atmosphères.
Le rotor de la turbine ne mesurait que 31 cm et ne pesait que 17,5 kg;la
puissance réelle était de 60 CV, le rendement dépassait 80 %, la vitesse de
rotation de la roue était de 2300 tours/minute. Pour l’époque cette réalisation
pouvait être considérée comme un tour de force.
Le
succès est éclatant et de toute l’Europe on accourt pour découvrir
cette installation.
Autre vue en coupe
horizontale d'une turbine Fourneyron
Un des problèmes cependant qui est souvent passé sous
silence fut celui de la tenue de la crapaudine vu la vitesse de rotation
atteinte
Il fallut un certain temps pour régler cette question car les premières
crapaudines ne tenaient pas plus de 15 jours
C’est seulement 30 ans plus tard
qu’ Aristide Bergès, qui passe pour avoir été l’initiateur de
l’utilisation des hautes chutes, équipa une chute de 200 m de dénivellation
.
En
1869 Aristide Bergès, baptisé père de la Houille Blanche, équipa Lancey,
première haute chute d’une puissance de 700 kW. Ensuite, ce sont les démonstrations,
controversées en France et éclatantes à l’étranger, d’un professeur du
Conservatoire National des Arts et Métiers, Marcel Desprez, sur les possibilités
du transport à grande distance de l’énergie électrique et sur la réversibilité
des machines dynamo-électriques, qui vont constituer la grande révolution de
l’énergie.
Fourneyron réalisa, pour la Filature d’Augsbourg. des turbines dont
la puissance atteignait 220 CV. En 1843, c’est-à-dire dix ans après la
publication de son mémoire, on comptait 129 usines ou manufactures créées ou
agrandies grâce aux turbines de Fourneyron en France, en Allemagne, en
Autriche, en Italie, en Pologne et même au Mexique -
D’autres
constructeurs ont essayé, à la suite de Fourneyron, de créer des types de
turbines analogues à la sienne : Cadiat en 1839, Callon en 1840, Huot en 1852 ,
mais ils ne connurent pas le même
succès .
Peu
après Fourneyron, deux autres ingénieurs, Fontaine-Baron et Jonval, réalisèrent
des turbines qui reprenaient le principe de l’écoulement vertical de l’eau
comme dans les anciennes roues à cuve ; ces
turbines furent appelées à l’époque turbines en dessus parce que l’eau
arrivait par le haut du récepteur.
A
la même époque, et pendant plusieurs années, on étudia la construction de
turbines centrifuges dont l’alimentation se faisait par la partie inférieure
comme dans l’un des modèles essayés par Fourneyron. Ces types de turbines
furent appelés turbines en dessous mais cette dénomination a rapidement
disparu.
La turbine pour laquelle Fontaine-Baron a pris un brevet en 1840, et qui a été
réalisée trois ans plus tard par les Établissements Fromont & Fils à
Chartres, était constituée essentiellement par deux disques horizontaux munis
d’aubages pour le passage de l’eau. Le disque supérieur, qui était fixe,
servait de distributeur, le disque inférieur porté par l’axe vertical
central était ie rotor. Le dispositif de vannage était assez compliqué et
montre quels
progrès l’industrie des machines avait accomplis depuis quelques années.
Dans la turbine de Fourneyron le système de vannage est constitué par une
couronne placée à l’intérieur du distributeur et dans laquelle sont ménagées
des ouvertures verticales. En faisant pivoter cette couronne de quelques degrés
on réglait le débit de l’eau. Sur la turbine de Fontaine chaque aube du
distributeur porte une petite vanne mobile de haut en bas lorsque cette vanne
est baissée elle ferme l’ouverture laissée disponible sur le distributeur
par l’aube qui la porte. Toutes ces vannes pouvaient être commandées à la
fois par un dispositif à roues et à chaîne sans fin. Un peu plus tard le
constructeur supprima ces vannes partielles, dont la commande devait être assez
fragile, et remplaça ce système par un autre qui permettait de dérouler
au-dessus du distributeur des plaques de laiton mince
sur un secteur circulaire d’autant plus étendu que l’on voulait réduire le
débit de l’eau comme on le voit sur la figure 22. Dans la turbine de Fontaine
l’énergie hydraulique à l’entrée de la roue est tout entière sous la
forme d’énergie de vitesse , au cours de la traversée de la roue la pression
de l’eau ne varie pas.
L'image ci dessus d'une turbine Fontaine montre que la turbine T est à la
partie inférieure , presque au ras de l'eau.
La pression de sortie est la pression atmosphérique.
La notion d'aspirateur est encore inconnue mais va être rapidement découverte
comme dit ci après
A
la même époque que Fontaine un autre type de turbine Turbine
à réaction axiale est né
d’une erreur de principe de l’un des inventeurs, de
Jonval-Kœchlin Jonval, rectifiée et exploitée par André Kœchlin,
industriel
à Mulhouse. Dans son brevet d’invention de 1841, Jonval donna le schéma
d’une turbine constituée par une roue à aubes placée dans la partie resserrée
d’un
conduit vertical. La roue motrice tournait au dessus d’une roue fixe à aubes
convexes; une vanne était située à la sortie du canal de fuite .
Cette disposition qui était exactement l’inverse des turbines de Fourneyron
et de Fontaine était déterminée par les principes suivants. La colonne
d’eau qui traversait la turbine (levait rester continue, ce qui permettait de
placer la roue motrice à un certain niveau sur la chute sans perdre le bénéfice
de l’énergie correspondant à la hauteur totale de la chute. En outre Jonval
pensait que l’eau agissait sur la roue à une vitesse accélérée par suite
du rétrécissement du conduit.
André
Kœchlin ayant acquis en 1843 les droits de Jonval reconnut que si l’étranglement
du conduit était favorable au fonctionnement du moteur, la vitesse de l’eau n
en restait pas moins déterminée que par la différence de niveau entre
le bief amont et le bief aval. Il tira parti de la possibilité de placer la
roue motrice à un niveau qu4conque de la chute à condition que la veine
liquide reste continue au-dessous, comme au-dessus, de la roue et que la roue
soit élevée de moins de 10 m au-dessus du bief aval. Kœchlin détermina sur
ces principes rectifiés la construction d’une turbine industrielle dans
laquelle la roue motrice était surmontée d’un distributeur à aubage fixe
mais le vannage restait placé à !a partie inférieure du cylindre d’échappement.
Sous le nom de turbine Jonval-Kœclilin ces moteurs furent rapidement utilisés
pour équiper des chutes de 3 à 5 m environ de hauteur. En 1855 Fourneyron
donna au cylindre d’échappement la forme d’un diffuseur susceptible de récupérer
une grande partie de
l’énergie cinétique de l’eau encore disponible. Les turbines à réaction
devaient connaître encore de très sensibles perfectionnements dans la seconde
moitié du xix0 siècle.
Les
divers types de turbines qui avaient été inventés au cours des vingt années
qui ont précédé
le milieu du siècle sont entrés immédiatement en service et ont fourni un
moyen nouveau d’exploiter l’énergie hydraulique dans des conditions où la
majorité des cours d’eau n’avaient pu être encore utilisés. Par la suite,
ils subirent de nombreux perfectionnements et d’autres types qui
s’inspiraient soit de l’un, soit de l’autre, virent rapidement le jour. Au
cours de la seconde moitié du XIxe siècle la construction des turbines
hydrauliques devait prendre un grand développement mais à la période où nous
arrêtons provisoirement cet historique, bien qu’elles aient été très
favorablement accueillies et qu’on les considère déjà comme des moteurs
d’avenir, les spécialistes appréciaient encore les services rendus par les
roues verticales qui n’étaient pas près de disparaître. Armengaud écrit en
1858 avec exagération certainement : « Il est bon
d’observer.., que dans bien des cas la turbine n’est pas encore arrivée à
donner le rendement égal à celui que l’on réalise avec une bonne roue à
augets ou avec une roue de côté bien établie . »
La
construction des turbines était encore à cette époque une spécialité de
l’industrie française. Le rapport de l’ Exposition de 1851 à Londres, qui
mentionne la présentation d’une turbine double de Fontaine-Baron, signale
que ce type de moteur hydraulique est inconnu en Angleterre; celui de
l’exposition de 1855 à Paris ne mentionne que des constructeurs français et
seulement un constructeur du Tyrol, Fenbach, pour la présentation d’une
turbine dans laquelle l’eau passait de l’extérieur à l’intérieur de la
couronne mobile et qui semble être une anticipation de différents types que
l’on verra se développer à partir de la fin du siècle. L’eau était
introduite par une buse sur un seul point de la couronne dont les aubes avaient
la forme des augets des roues de Poncelet. Le général Morin, qui a fait
attribuer une médaille de 2ème classe à cette turbine, portait sur
elle le jugement suivant « On
manquait de résultats d’expériences sur cette roue mais on doit savoir gré
à M. Fenbach d’avoir réalisé en partie l’idée du savant français
(Poncelet) pour introduire dans l’industrie de son pays un nouveau système de
turbine.
L'histoire des turbines ne faisait , en fait , que
commencer
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