Voilà une jurisprudence intéressante de la Cour d'appel de Lyon, définitive car l'Etat n'a pas fait cassation.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJur ... &fastPos=4
Un exploitant (moulin de Lagat, consistance de 282,5 kW) voulait remettre en fonctionnement son installation fondée en titre, mais la DDT-ONEMA a entrepris de contester son droit d'eau au motif que le barrage avait été partiellement emporté par une crue.
La Cour rappelle les éléments de faits sur la nature de ce dommage, et souligne notamment que la simple présence d'eau dans le bief à certaines saisons atteste de la fonctionnalité persistante des ouvrages :
Considérant que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui ne conteste pas que le moulin de Lagat, qui existait avant 1789, puisse être regardé comme fondé en titre, soutient que ce droit s'est éteint en raison de l'impossibilité d'utiliser la force motrice de la Dore à la suite de l'apparition d'un brèche sur la digue ne permettant plus d'alimenter le bief en permanence ; que toutefois, les clichés photographiques inclus dans le procès-verbal établi par huissier de justice le 21 mai 2010 témoignent de l'écoulement de l'eau dans les canaux jusqu'à la centrale hydroélectrique du moulin de Lagat ; que le rapport en date du 31 juillet 2012 de l'expertise diligentée par le Tribunal par un jugement avant-dire droit du 8 novembre 2011 mentionne également que de l'eau circule dans les canaux du moulin et que le procès-verbal de déplacement sur les lieux établi par le greffe du tribunal administratif, le 14 décembre 2012, après avoir relevé la présence d'un débit d'eau de La Dore d'une valeur conforme au débit moyen annuel, a constaté que " la prise d'eau dérive toujours une partie importante du débit de La Dore vers le canal " et que " le débit d'eau est important dans le canal d'amenée " ; qu'enfin, il ressort des conclusions du rapport d'expertise précité du 31 juillet 2012 que la présence d'enrochements au droit de la brèche formant un seuil permet l'alimentation du bief en toute saison ; que si le ministre produit un cliché photographique montrant l'assèchement du bief, ce document ne peut permettre à lui seul d'établir que l'importance de la brèche présente sur le barrage constituerait un obstacle permanent à l'écoulement du débit de la rivière vers le canal et que le bief ne serait alimenté en eau que lors de crues ou de fortes eaux ; que si le ministre fait également valoir que ladite brèche qui est apparue à la suite de l'importante crue du 18 mars 1988 aurait été agrandie au moyen d'une pelleteuse mécanique, par la société Couzon, alors propriétaire de l'installation, dans le but de neutraliser le barrage et produit un témoignage en ce sens émanant d'un ancien cadre, il résulte de l'instruction et notamment du constat d'huissier précité en date 21 mai 2010 que " l'essentiel de l'ouvrage est cependant en état, le barrage s'étendant sur environ soixante quinze mètres et la brèche étant d'environ dix sept mètres " ; que ce constat a été confirmé par le rapport d'expertise précité qui estime à dix neuf mètres la longueur de la brèche sur une longueur totale de soixante quinze mètres ; que dans ces conditions, la digue ne peut pas être regardée comme étant dans un état tel qu'il ferait obstacle à l'exploitation de la force motrice du cours d'eau, ou qu'il traduirait la volonté de l'ancien propriétaire de renoncer à son droit à l'usage de l'eau ; que par suite, que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à soutenir que M. C...ne pourrait être regardé comme étant titulaire d'un droit d'eau fondé en titre pour l'exploitation des eaux de La Dore
Par ailleurs, et très classiquement, la DDT a tenté de diminuer la puissance du site fondé en titre en faisant état de modifications ultérieures à 1789 et d'anciens états statistiques du XIXe siècle. La CAA a de
nouveau débouté l'Etat de ses prétentions, relevant que la puissance des moulins anciens est non pertinente pour apprécier la consistance légale d'un site et que les plans proposés sont trop imprécis pour statuer sur des modifications substantielles.
Considérant, en second lieu, que la consistance d'un droit fondé en titre est présumée, sauf preuve contraire, conforme à sa consistance actuelle ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie soutient que l'installation litigieuse aurait fait l'objet de modifications substantielles consistant en la création d'un nouveau barrage de prise d'eau ainsi qu'en la prolongation de 200 mètres vers l'amont du bief d'amenée et de 230 mètres vers l'aval du bief de suite et que ces modifications seraient de nature à augmenter la force motrice au-delà de la consistance originelle du droit fondé en titre ; que toutefois la seule production d'une carte cadastrale établie en 1810 qui ne permet pas de localiser précisément les différents ouvrages sur les cours d'eau, ne suffit pas à établir l'existence des modifications alléguées qui auraient augmenté la hauteur de chute d'eau originelle du moulin de Lagat ; que si le ministre soutient également que le débit du canal d'amenée doit être fixé à 2,5 m3/s par référence à des états statistiques réalisés en 1899, ces documents qui ne concernent que la capacité productive du moulin alors en activité, ne permettent pas d'établir à eux seuls que la valeur du débit d'eau dérivé aurait connu une augmentation substantielle ; qu'enfin, le ministre ne peut utilement faire valoir qu'il n'a pas été tenu compte du débit de 5,5 m3/s relevé pour le fonctionnement de la turbine actuellement en place, dès lors que la détermination de la puissance fondée en titre s'opère au regard du débit du cours d'eau ou du canal d'amenée apprécié au niveau du vannage d'entrée ; que dans ces conditions, le ministre ne peut être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe que la consistance actuelle de l'installation litigieuse serait supérieure à sa consistance d'origine ; que, dès lors, la consistance légale du moulin de Lagat doit être considérée comme étant celle de la consistance originelle du droit fondé en titre
Cet arrêt devrait intéresser plusieurs membres du Forum qui, en ce moment même, affrontent des DDT pointilleuses tentant de réduire la puissance de leur site, voire de contester leur existence égale. Une référence à cette décision très récente des juges de Lyon et un rappel que l'Etat n'a pas jugé bon insister au Conseil d'Etat pourront utilement soutenir les dossiers des usiniers.